Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 8
Le mercredi 17 novembre 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE
DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Le Comité de sélection
- La Loi sur le casier judiciaire
- Visiteurs de marque
- Affaires juridiques et constitutionnelles
- Visiteurs de marque
- Affaires étrangères
- Les travaux du Sénat
- Le Budget des dépenses de 1999-2000
- Le Budget des dépenses de 1999-2000
- Le Budget des dépenses de 1999-2000
- Le
Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition - Le Comité de sélection
- Affaires juridiques et constitutionnelles
- La Conférence sur l'égalité et la participation des femmes à la vie publique
- Le fédéralisme et la mondialisation
- La situation des autochtones et leur avenir
- Affaires sociales, sciences et technologie
- Transports et communications
- Le Bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants
LE SÉNAT
Le mercredi 17 novembre 1999
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Nouvelle-Écosse
Les prix internationaux et nationaux remportés par les habitants de Lunenburg
L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour reconnaître les prix internationaux et nationaux qu'ont reçus récemment la ville de Lunenburg en Nouvelle-Écosse et ses citoyens.Le vendredi 5 novembre 1999, la ville de Lunenburg a reçu le prix du port de l'année de l'American Sail Training Association, de Newport, au Rhode Island, lors de sa vingt-septième réunion annuelle tenue à Boston. Les membres de l'ASTA viennent de partout en Amérique. Ce prix est remis annuellement à la collectivité qui apporte un appui important à l'ASTA et reconnaît et encourage la navigation à voile. C'est la première fois qu'un port canadien remporte cet honneur.
Au cours de la même réunion, le capitaine Daniel P. Moreland, patron du trois-mâts Picton Castle, de Lunenburg, a été honoré en tant qu'instructeur de navigation à voile de l'année par l'ASTA. Le capitaine Moreland a parcouru le monde à bord du Picton Castle avec un équipage formé en majorité de novices, lorsque le bateau a quitté le port de Lunenburg en novembre 1997 pour son odyssée historique de 18 mois.
Hier, Marq de Villiers, de Lunenburg, a remporté le prix littéraire du Gouverneur général de 1999 pour les oeuvres non romanesques avec son livre intitulé Water, un texte superbe au sujet de cette ressource précieuse de notre terre. M. de Villiers a donné généreusement la moitié de son prix de 10 000 $ à la bibliothèque de Lunenburg pour l'aider à poursuivre son excellent travail.
Nous félicitons et saluons la ville de Lunenburg, le maire Laurence Mawhinney et les conseillers, ainsi que ses charpentiers de navire, ses forgerons de marine, pour ses traceurs-patronniers de voiles et ses habitants très hospitaliers. Nous félicitons le capitaine Daniel P. Moreland et Marq de Villiers pour leurs entreprises et les prix qu'ils ont obtenus.
La réforme du Sénat
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, la semaine dernière, le gouvernement John Hamm, de la Nouvelle-Écosse, a pris la mesure qui s'imposait. Alors que nous approchons de la saison des Fêtes de 1999, l'assemblée législative de cette province a pris une initiative très importante pour protéger la sécurité du public en adoptant une position ferme à l'égard des conducteurs en état d'ébriété.En Nouvelle-Écosse, ces conducteurs sont responsables de près de 40 p. 100 de tous les décès sur les routes. Le gouvernement Hamm a employé de nouvelles mesures qui, il l'espère, vont décourager les gens de conduire avec des facultés affaiblies, ce qui devrait diminuer le nombre de tragédies insensées et protéger la sécurité des gens de la Nouvelle-Écosse.
(1340)
Le 1er décembre, une nouvelle mesure législative fera passer de deux à trois ans la durée de la suspension du permis d'un conducteur reconnu coupable d'une deuxième infraction pour conduite en état d'ébriété. Une troisième infraction entraînera une suspension d'une durée minimale de dix ans et une quatrième infraction se traduira par une suspension à vie du permis. La nouvelle mesure législative permettra également la suspension administrative et immédiate du permis pendant une période de 24 heures dans le cas des conducteurs dont le taux d'alcoolémie se situe entre 0,05 et 0,08.
Ce gouvernement a fait preuve de leadership en adoptant des mesures qui resserrent les lois et qui sont plus sévères à l'endroit des personnes qui conduisent en état d'ébriété. Presque toutes les provinces ont maintenant adopté un programme de suspension semblable applicable aux conducteurs en état d'ébriété, et bon nombre d'entre elles ont réussi à réduire de façon substantielle le nombre d'accidents.
En qualité de législateurs fédéraux, nous pouvons tirer beaucoup de leçons de l'expérience de nos homologues provinciaux qui ont manifestement appris les uns des autres. Notre principale priorité devrait consister à assurer la sécurité et à protéger les intérêts supérieurs de tous les Canadiens. Le comité sénatorial des transports, sous la direction du sénateur Forrestall, a mené une excellente étude sur la sécurité dans le domaine des transports. C'est là un excellent exemple du Sénat au travail.
Le Sénat est constamment en butte à des attaques et dépeint par de nombreuses personnes comme étant une institution qui, selon la majorité des Canadiens, est inutile. À cet égard, le journaliste et auteur à succès Claire Hoy a récemment publié un livre intitulé: Nice Work: The Continuing Scandal of Canada's Senate, dans lequel il déclare que le Sénat tel qu'il existe aujourd'hui ne présente aucune valeur réelle.
Honorables sénateurs, réagissons en montrant à M. Hoy et au reste du Canada à quel point le travail que nous accomplissons ici est important. Je crois dans la réforme du Sénat, mais des livres et des articles du genre dont je viens de parler ne font qu'attiser les appels en faveur de l'abolition du Sénat. Il est temps que nous assumions un leadership. Suivons l'exemple donné par les gouvernements provinciaux comme le gouvernement Hamm et montrons à tous les Canadiens à quel point l'institution dont nous faisons partie est précieuse.
L'agriculture
Le chanvre industriel-Les obstacles aux exportations vers les États-Unis
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je vais faire le point au sujet d'une question que j'ai abordée ici il y a quelques semaines. À cette époque, un conflit opposait la Kenex Limited, de Pain Court en Ontario, aux douanes et à l'Agence de lutte antidrogue des États-Unis.Je suis heureuse de signaler au Sénat que le problème a presque été entièrement résolu. Alors qu'il reste encore quelques points à régler, il y a une semaine, une livraison de graines de chanvre en provenance du Canada a franchi sans encombre les douanes américaines. L'Agence de lutte antidrogue et les douanes américaines ont consenti à ne pas saisir d'autres chargements de chanvre expédiés vers les États-Unis par Kenex.
Je tiens pour l'instant à féliciter le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour l'aide qu'il a apportée à Kenex en vue de régler cette affaire à l'avantage de cette entreprise jeune et dynamique.
Mes félicitations à Kenex. C'est une bonne nouvelle pour les agriculteurs canadiens.
L'année internationale des personnes âgées
L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, l'Année internationale des personnes âgées décrétée par les Nations Unies tire à sa fin mais, compte tenu du vieillissement de la population, la raison d'être de cette initiative demeure entière aux yeux des sénateurs.Les 4 et 5 octobre de cette année, l'Assemblée générale des Nations Unies a consacré une séance spéciale à l'Année internationale des personnes âgées. À cette occasion, j'ai eu l'honneur de parler au nom du Canada et j'en ai profité pour annoncer l'initiative par laquelle le Canada entend consacrer de nouvelles ressources au secteur de la santé. Il faut également accorder une plus grande attention aux inégalités en matière de soins de santé et de bien-être que l'on observe chez les personnes âgées à faible revenu, les personnes âgées vivant seules et les vieilles femmes ayant des problèmes de santé mentale et sans domicile fixe.
La quatrième Conférence mondiale annuelle de la Fédération internationale sur le vieillissement, qui a eu lieu à Montréal en septembre 1999, a émis une déclaration. Le document s'inquiète de ce que les principes que les Nations Unies ont adoptés en 1991 en faveur des personnes âgées ne sont pas encore reconnus ou respectés universellement et que la mise en oeuvre du Plan international d'action sur le vieillissement adopté à Vienne en 1982 laisse encore à désirer.
Voici ce que le comité des droits de l'homme des Nations Unies disait en novembre 1998 à propos du bilan du Canada dans l'application de la Convention des Nations Unies relative aux droits économiques et sociaux:
Lors de la réunion qui s'est tenue à New York, les pays tiers-mondistes ont indiqué que seulement 8,5 p. 100 de leurs populations respectives vivraient jusqu'à 60 ans. En Afrique, cette proportion n'est que de 3 p. 100, tandis qu'elle est de 24 p. 100 pour l'Europe. Il incombe à ceux qui, comme nous, souhaitent l'avènement d'un monde nouveau d'examiner de très près la situation de ces continents de la pauvreté et celle des îlots de pauvreté qui existent au sein de la population vieillissante du Canada. La question de la pauvreté des personnes âgées doit être analysée dans le contexte du développement, de l'élimination de la pauvreté et de l'exclusion sociale soulignés au Sommet mondial de Copenhague pour le développement social, tenu en 1995.... que le Canada détermine un seuil de pauvreté officiel et mette en place à tous les niveaux un programme d'assistance sociale qui garantira une qualité de vie raisonnable pour tous.
Après plusieurs années de déclin, notre programme d'assistance outre-mer est du moins stabilisé, mais il mériterait de bénéficier de crédits complémentaires. Il mériterait également de coordonner son action avec celle du programme d'allègement du fardeau de l'endettement de la majorité des pays endettés et avec les initiatives visant à promouvoir l'emploi et la santé pour les personnes âgées.
Les Nations Unies ont été invitées à organiser dans cinq ans une conférence mondiale sur le vieillissement, au cours de laquelle seront passés en revue les progrès accomplis par les différents États pour la mise en oeuvre de leur plan d'action en faveur des personnes âgées. Je suis persuadée que le projet sera avalisé et que le point que fera alors le Canada sur la situation de ses personnes âgées démunies, vulnérables et sans abri sera positif.
AFFAIRES COURANTES
L'union monétaire européenne
Dépôt du rapport du comité des affaires étrangères
L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé: «Le point sur l'Europe: les implications d'une intégration accrue de l'Europe pour le Canada».Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
Le sénateur Stewart: Conformément au paragraphe 97(3) du Règlement, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
[Français]
Transports et communications
Dépôt du premier rapport du comité
L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications, concernant les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la trente-sixième législature.(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
[Traduction]
Société de développement du cap-breton
Dépôt du premier rapport du comité spécial
L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton, lequel traite des dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la trente-sixième législature.(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)
[Français]
Le Comité de sélection
Présentation du cinquième rapport
L'honorable Léonce Mercier, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:Le mercredi 17 novembre 1999
Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son
CINQUIÈME RAPPORT
Conformément à l'article 85(1)(a) du Règlement du Sénat, votre Comité désigne l'honorable sénateur Losier-Cool comme présidente temporaire.Respectueusement soumis,
Le président,
LÉONCE MERCIER
Le sénateur Mercier: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose que ce rapport soit étudié plus tard aujourd'hui.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(Sur la motion du sénateur Mercier, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour plus tard ce jour.)
[Traduction]
La liberté religieuse en Chine en rapport avec les pactes internationaux des Nations Unies
Avis d'interpellation
L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 24 novembre 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur la liberté religieuse en Chine en rapport avec les pactes internationaux des Nations Unies.(1350)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les ressources naturelles
La fermeture de la Société de développement du Cap-Breton-L'annonce de l'injection de fonds-La position du gouvernement
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Lundi, le ministre des Ressources naturelles, Ralph Goodale, a annoncé que le gouvernement fédéral injectera 70 millions de dollars dans la Société de développement du Cap-Breton afin de garder la société d'État en activité jusqu'en avril 2000. Il s'agit d'un revirement complet de la part d'un gouvernement qui a soutenu maintes fois qu'il n'y avait pas de nouveaux fonds fédéraux disponibles pour améliorer la pension de retraite et l'indemnité de cessation d'emploi offertes aux mineurs de la Devco et leurs familles. Les employés de la Devco se sont battus durant plus de huit mois pour que le gouvernement améliore l'entente. Le gouvernement libéral a fourni 111 millions de dollars aux fins de la pension de retraite et de l'indemnité de cessation d'emploi, mais 340 mineurs seulement auront droit aux prestations de retraite et 650 à l'indemnité. Cette aide financière fédérale à la société houillère pour une deuxième année d'affilée constitue un revirement flagrant.Comment le gouvernement explique-t-il qu'il puisse fournir soudainement des millions de dollars qu'il prétendait ne pas avoir afin de garder en activité la société qu'il a l'intention de fermer? Cela signifie-t-il que le gouvernement n'a pas abandonné le Cap-Breton et qu'il offrira des fonds suffisants aux mineurs de la Devco qui devaient terminer la première année du nouveau millénaire sans emploi?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je puis affirmer catégoriquement et sans crainte d'être contredit que le gouvernement du Canada n'a pas abandonné le Cap-Breton dans le passé et n'a pas l'intention de le faire à l'avenir. Le gouvernement fédéral a déjà fait d'énormes injections de fonds dans le secteur du charbon au cours des dernières décennies, comme l'honorable sénateur le sait sûrement, des injections de fonds totalisant environ 2 milliards de dollars.
Notre engagement envers le Cap-Breton s'est poursuivi. Ainsi, tout récemment, le gouvernement fédéral, de concert avec la province, a mis sur pied un fonds spécial de développement de 80 millions de dollars afin d'aider l'économie du Cap-Breton à traverser cette période de transition très pénible. Le gouvernement du Canada continuera de jouer son rôle pour venir en aide aux habitants du Cap-Breton.
En ce qui concerne les 70 millions de dollars, la fermeture de la Devco en tant que société d'État devait avoir lieu d'une manière très graduelle et très coordonnée, à la fin de décembre 1999. Je suis sûr que le sénateur est au courant du très détaillé programme relatif aux ressources humaines qui a été élaboré et présenté en rapport avec ce calendrier. Le gouvernement avait présumé que, pour offrir ce programme, il pourrait compter sur certaines recettes provenant de la production de la mine Phalen. Cette partie du plan était très importante et grandement nécessaire.
Le sénateur et d'autres sénateurs savent que la mine a été fermée plus tôt que prévu, dans des circonstances catastrophiques. La chute de rochers dans la mine risquait à tout moment de blesser ou de tuer des mineurs. La mine a donc été fermée immédiatement, principalement pour des raisons de sécurité. À cause de cette fermeture immédiate, les recettes qui lui auraient permis de poursuivre ses activités jusqu'au 31 décembre se sont envolées.
Deux choix s'offraient au gouvernement. Le premier consistait à recueillir des recettes pour qu'il puisse respecter les engagements qu'il avait pris envers les mineurs et leurs familles dans le cadre de ce programme. Selon le deuxième, tous les employés se retrouveraient tout à coup au chômage, ce qui était inacceptable. Je sais que le sénateur n'approuverait pas une telle solution. D'ailleurs, de nombreux groupes de la Nouvelle-Écosse, y compris des membres de son parti, ont déclaré que cette solution n'était pas acceptable.
Par conséquent, les fonds ont été prévus pour assurer le retrait graduel du gouvernement fédéral dans l'exploitation des mines. Ainsi, les gens qui étaient contraints de modifier leur mode de vie en fonction de ce plan ne verraient pas leur vie soudainement bouleversée. Nous sommes convaincus que tout se déroulera comme prévu et que le remplacement des recettes provenant de l'extraction de charbon est la solution la plus viable.
La Société de développement du Cap-Breton-Le projet de loi portant dissolution-Les conséquences pour les mineurs et le personnel
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le projet de loi C-11, qui autorise la vente de la Devco, renferme un article qui vise à supprimer un article de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton selon lequel le gouvernement doit prendre toutes les précautions raisonnables pour assurer le bien-être des travailleurs.Si ce projet de loi est adopté, le gouvernement libéral va-t-il tout simplement fermer les portes de la société, remettre aux mineurs un paiement unique équivalant à moins d'une année d'activité économique générée par la Devco, et s'en laver les mains? Dans le cas contraire, quelles initiatives fédérales seront mises en oeuvre pour créer de nouveaux emplois et pour favoriser une nouvelle croissance dans l'économie affaiblie du Cap-Breton?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de très grandes initiatives sont en voie d'exécution, dont certaines que j'ai mentionnées brièvement. En matière de développement économique, une affectation de 80 millions de dollars qui s'ajoute aux programmes existants, c'est un effort appréciable. De même, l'aide accordée aux mineurs et à la population du Cap-Breton est importante. Le premier ministre s'est pourtant engagé à revoir cette aide et on le fait actuellement.
Franchement, je ne me fais pas de souci pour l'électricien de la Devco qui touchera une indemnité de licenciement de 80 000 ou 90 000 $ et qui décrochera un autre emploi six mois plus tard. Ce travailleur se tirera très bien d'affaire. Je m'inquiète toutefois de celui qui, à cause de nombreuses années de travail et peut-être d'une incapacité partielle, aura du mal à se replacer dans la nouvelle économie.
Comme je l'ai dit, on revoit cette indemnité et on tente de déterminer si d'autres mesures pourraient être prises, en particulier afin d'aider les travailleurs qui en ont le plus besoin.
Le sénateur Oliver: Le ministre n'a pas fait allusion à la disposition du projet de loi C-11 que visait ma question supplémentaire.
Le sénateur Boudreau: La disposition en cause préoccupe un certain nombre de personnes, notamment les représentants de la United Mine Workers, qui craignent qu'elle ne nuise au processus d'arbitrage qui est actuellement en cours. Selon l'avis que j'ai demandé à cet égard et que j'ai transmis à la United Mine Workers, le projet de loi ne devrait modifier aucun des droits en existence avant l'adoption attendue du projet de loi.
Sauf erreur, je me suis engagé hier à remettre cet avis au sénateur Murray. Je vais en remettre également une copie à l'honorable sénateur Oliver.
La défense nationale
La fermeture de la BFC Cornwallis-La récupération des vitraux commémoratifs de la chapelle St. George's
L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, l'honorable leader du gouvernement au Sénat se souviendra qu'en 1993-1994, le gouvernement fédéral a fermé la BFC Cornwallis. À l'époque, on a déménagé les vitraux de la chapelle St. George's à l'extérieur de la base. On avait alors expliqué que les vitraux seraient entreposés dans un endroit sûr jusqu'à ce que la chapelle soit reconsacrée, ce qui a été fait il y a plus d'un an.Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire quand le ministère de la Défense nationale compte replacer ces vitraux dans la chapelle St. George's? Les gens qui ont payé pour ces vitraux, résidents de l'endroit et anciennes recrues de la base, veulent que ces vitraux soient replacés là où ils étaient.
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je connais le dossier dont le sénateur parle. Ces vitraux ont été enlevés d'une chapelle qui était inutilisée. Ils se trouvent actuellement à Halifax, qui est la plus grande base navale au pays et dont la chapelle reçoit des fidèles tous les jours.
On a décidé à un certain moment de les installer dans cette chapelle pour que les gens puissent les voir et les admirer plus régulièrement. Je crois comprendre que la chapelle d'où ils proviennent est de nouveau ouverte, mais de façon plutôt sporadique, une ou deux fois par année. On a décidé, pour l'instant du moins, que ces vitraux devraient rester dans un endroit où ils peuvent être vus et admirés par plus de gens.
(1400)
Des représentations ont été effectuées récemment et on se penche évidemment sur la question, mais c'est là ce qui a été décidé pour l'instant.
Le sénateur Comeau: J'ai une question complémentaire, honorables sénateurs. Le leader du gouvernement a dit que la chapelle de Shannon Park, où les vitraux sont maintenant situés, sert plus souvent que la chapelle de Cornwallis. On pourrait peut-être comparer les chiffres de fréquentation, comme cela se fait parfois entre la Chambre des communes et le Sénat, pour voir si effectivement la chapelle de Shannon est plus fréquentée que ne l'était celle de le BFC Cornwallis. Toutefois, ce qui est beaucoup plus important que la fréquentation de la chapelle, c'est le fait que les personnes qui ont offert ces vitraux habitent dans la région de Cornwallis et de Digby et que des milliers de recrues qui sont passées par Cornwallis vont s'y retrouver au printemps. Je pense qu'elles seraient très fières de voir les vitraux là où ils devraient être historiquement et logiquement. Je demande au leader d'appuyer cette initiative.
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, la proposition de l'honorable sénateur que je m'engage à vérifier la fréquentation d'un établissement ou d'un service religieux me rappelle le précepte biblique suivant: «Que celui qui n'a jamais péché, lance la première pierre». Je ne crois pas que je serais très enclin à compter le nombre de personnes assistant à un quelconque service religieux.
Je comprends toutefois le sentiment que le sénateur vient d'exprimer et je ne manquerai pas d'en faire part au ministre.
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question complémentaire. Je pourrais sans doute jeter le premier caillou. Si le ministre pouvait savoir où se trouvent les bancs de la chapelle et s'il pouvait voir à ce qu'ils y soient réinstallés, la chapelle serait peut-être un peu plus fréquentée.
Le sénateur Kinsella: Où sont-ils?
Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je pourrais sans doute parler plus tard à l'honorable sénateur et trouver les bancs.
Le remplacement des hélicoptères Sea King-La possibilité du crédit-bail
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Elle a trait à une question que j'ai posée le 4 novembre concernant les hélicoptères Sea King. J'ai mentionné à de nombreuse reprises, tout comme le sénateur Forrestall et d'autres au Sénat, l'urgence de régler cette question. Je suis allé jusqu'à dire - et je le dirais si nous avions un gouvernement conservateur, néo-démocrate ou réformiste - que si rien n'était fait et s'il y avait un accident, la responsabilité en incomberait directement au Cabinet, au premier ministre et au ministre de la Défense nationale. Comme nombre d'autres Canadiens, je crois que nous avons abandonné nos forces armées pour ce qui est de leur fournir un équipement sûr.Je demande donc au leader du gouvernement, en toute bonne foi et en toute objectivité politique, quand le gouvernement va commencer à louer à bail des hélicoptères. L'annulation de la commande des EH-101 a été une décision politique et je ne suis pas certain qu'ils seraient en service aujourd'hui si la commande avait été maintenue. Toutefois, le leader du gouvernement a déclaré que j'aurais bientôt une réponse à ma question d'hier. Pourrait-il maintenant me donner une réponse plus directe et définitive?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, pour ce qui est du programme de remplacement des hélicoptères Sea King, en un sens, je peux répéter ce que j'ai déjà dit au Sénat. J'ai parlé au ministre de la Défense nationale, qui m'a dit qu'il s'agit pour lui de la question la plus urgente en matière d'équipement.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est ce que le gouvernement dit toujours.
Le sénateur Boudreau: Le ministre a obtenu un certain succès. Le gouvernement s'est dit prêt à engager des fonds pour des programmes importants, comme par exemple celui des sous-marins.
Le sénateur Lynch-Staunton: Combien coûtera la modernisation?
Le sénateur Boudreau: Le ministre m'a dit que cette question est extrêmement prioritaire pour lui. Je lui ai dit, comme je le signale maintenant aux honorables sénateurs, que je considère cette question hautement prioritaire.
Je vis à Halifax et il n'y a pas une ville dans notre pays où les militaires sont tenus en plus haute estime. Nous apprécions grandement le rôle qu'ils jouent et les sacrifices qu'ils font quotidiennement. Je vais certainement appuyer autant que je le peux tous les efforts déployés afin que l'acquisition des appareils de remplacement des Sea King se fasse le plus tôt possible.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je ne doute absolument pas de l'intention du gouvernement d'acquérir des appareils de remplacement. La question est la suivante: le gouvernement est-il prêt à louer des appareils? C'est là l'aspect clé.
Je parle à titre de pilote ayant une expérience active. S'il faut assurer 30 heures d'entretien pour qu'un appareil puisse voler une heure, les honorables sénateurs peuvent s'imaginer le piètre état de l'aéronef en question. Quiconque connaît un peu les hélicoptères sait à quel point ils sont soumis à d'importants efforts et contraintes. Je dis à l'honorable leader qu'à mon avis, nous n'avons d'autre choix que de louer des hélicoptères. Nous devons confier à nos militaires du matériel adéquat qui leur permettra de secourir des gens qui décident de s'aventurer en mer à bord d'un bateau - au large des côtes de la Nouvelle-Écosse ou ailleurs. J'exhorte le leader à faire avancer le dossier et je lui demande de nouveau une réponse au sujet de la location.
Le sénateur Boudreau: Je rappelle à tous les honorables sénateurs que le gouvernement a pris dernièrement des engagements importants à l'égard du matériel des forces armées canadiennes. J'ai parlé des sous-marins. Pour les sous-marins, les sommes engagées sont de 750 millions de dollars. Le processus de remplacement des hélicoptères de recherche et sauvetage Labrador est en cours, et les sommes engagées dans ce cas sont légèrement supérieures à 800 millions de dollars. Le gouvernement a aussi engagé 30 millions de dollars pour moderniser le camp Aldershot, et il a aussi engagé 300 millions de dollars au titre des prestations, pour améliorer le niveau de vie des membres de nos forces armées dans cette région.
Je ne veux pas éluder la question de l'honorable sénateur. En fait, j'ai fait des recherches et j'ai une réponse différée que je prévoyais déposer à la fin de la période des questions. Je peux confirmer à l'honorable sénateur que l'on ne prévoit pas, pour l'instant, louer d'hélicoptères.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, il est tout à fait inacceptable d'exposer nos militaires à de telles conditions en raison du mauvais état de notre matériel. Je ne peux que répéter au leader du gouvernement ce que j'ai déjà dit, à savoir que, si l'un ou l'autre de nos hélicoptères a un accident, le Cabinet et le ministre de la Défense nationale devront en assumer la responsabilité. Il faut trouver une solution.
Il me déplaît de devoir dire cela, mais je n'arrive pas à trouver des mots pour décrire la peur que doivent certainement ressentir les pilotes lorsqu'ils doivent faire voler un appareil qui a besoin de 30 heures d'entretien pour chaque heure de vol. L'honorable sénateur peut-il penser à une autre organisation dans le monde de l'aviation qui fonctionnerait dans de telles conditions?
(1410)
Le sénateur Meighen: Elle devrait fermer ses portes.
Le sénateur St. Germain: Le sénateur Meighen a raison. Soit le Bureau de la sécurité des transports, soit le ministère du ministre Collenette la ferait fermer en raison du piètre état de ses appareils. J'exhorte une fois de plus le leader à reparler au ministre pour qu'il change sa position.
Le sénateur Boudreau: Je remercie l'honorable sénateur pour ses commentaires. Honorables sénateurs, je me répète, mais le ministre m'a donné l'assurance que sa première priorité était le remplacement des hélicoptères. De toute évidence, il reconnaît, comme tous ceux qui examinent la situation, que les hélicoptères doivent être remplacés.
Pour ce qui est de l'utilisation des appareils, je me rassure à l'idée que les hélicoptères ne recevraient pas de mission de vol si les personnes responsables n'étaient pas convaincues qu'ils peuvent les remplir. Quant au coût de l'entretien, certaines questions peuvent se poser. Cependant, nous nous occupons de cela et j'espère que les appareils seront remplacés aussi rapidement que cela peut raisonnablement se faire.
Les Nations Unies
La proposition du Parti réformiste de réévaluer la participation du Canada-La position du gouvernement
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Parti réformiste, qui forme l'opposition officielle à la Chambre des communes, a publié un document sur la politique étrangère dans lequel il dit que, s'il formait le gouvernement, le Parti réformiste réévaluerait la participation du Canada aux Nations Unies.Étant donné que l'ONU est une pierre angulaire de la politique étrangère du Canada depuis un demi-siècle, quel que soit le parti au pouvoir, quelle est la position du gouvernement face à une proposition aussi surprenante? Le gouvernement a-t-il l'intention de répondre en exprimant clairement son appui aux Nations Unies, ou va-t-il accorder à cette proposition l'attention qu'elle mérite, c'est-à-dire ne pas en tenir compte?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, à titre de leader du gouvernement au Sénat, je tiens à exprimer l'appui solide et inébranlable de notre gouvernement à l'institution qu'est l'Organisation des Nations Unies.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Boudreau: Il est incroyable qu'un parti politique responsable fasse le genre de déclaration ou adopte le genre de position préconisée par le Parti réformiste. Les réformistes n'ont-ils rien retenu de l'histoire?
Il serait préférable de ne guère porter d'attention à cette déclaration, afin d'éviter de lui conférer une quelconque crédibilité. Les gens de bonne volonté des deux partis fédéraux qui ont tour à tour formé le gouvernement canadien ont toujours appuyé l'ONU. Le Canada est peut-être le pays qui appuie le plus cette institution. Près de 5 000 militaires canadiens servent présentement dans diverses régions du monde. Ceux-ci s'exposent à des dangers afin d'aider les Nations Unies à accomplir un travail très utile. Il est incroyable qu'une telle déclaration puisse être faite sérieusement à notre époque.
La santé
Le pouvoir de réglementer les produits entrant dans les usines d'équarrissage-La position du gouvernement
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En juillet dernier, il s'est produit un incident malheureux au Manitoba. Des bovins ont été empoisonnés par un herbicide très puissant. Ils ont été expédiés vers une usine d'équarrissage où ils ont peut-être été mêlés à la moulée produite à l'usine, laquelle a ensuite servi à nourrir des porcs et des poulets. Heureusement, cependant, cela n'a pas été démontré. En examinant cet incident, on constate qu'il n'existe aucun règlement fédéral qui nous permette de contrôler les produits qui entrent dans une usine d'équarrissage. L'organisme fédéral, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, prétend que l'équarrissage relève des provinces alors que le gouvernement provincial et l'entreprise d'équarrissage en cause croient que l'équarrissage est de compétence fédérale.Quelle est la position du gouvernement à l'égard de la responsabilité fédérale en matière de produits entrant dans les usines d'équarrissage? De même, sur quelles données scientifiques se base-t-on pour nourrir les porcs et les poulets avec des bovins récupérés, et qui sait quels autres restes de toutes sortes, alors qu'on a eu l'exemple de la maladie de la vache folle en Angleterre?
L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis bien heureux de la question posée par le sénateur. Pour y répondre, je devrais avoir à mes côtés le leader adjoint, puisque c'est lui l'expert du secteur de l'élevage.
Le sénateur Forrestall: J'aimerais mieux y voir votre collègue du Cap-Breton!
Le sénateur Boudreau: L'honorable sénateur soulève un point important. Je ne connais tout simplement pas assez le domaine pour répondre aujourd'hui. Cependant, je vais m'informer et je lui fournirai une réponse aussi rapidement que possible.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): J'invoque le Règlement. Honorables sénateurs, l'opposition demande au gouvernement de considérer la possibilité d'étudier maintenant le rapport que vient de déposer le président du Comité de sélection.L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous sommes d'accord et nous donnons au Sénat la permission d'étudier maintenant ce rapport.
[Français]
Le Comité de sélection
Adoption du cinquième rapport
Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité de sélection (poste de Président à titre temporaire), présenté au Sénat le 17 novembre 1999.L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais prononcer quelques mots à propos de cette motion de notre collègue, le whip du gouvernement, qui est un excellent président de ce comité, un des meilleurs dans l'histoire du Sénat.
J'aimerais exprimer le plaisir que nous avons ressenti de ce côté de la Chambre à l'annonce de la nomination de notre collègue, le sénateur Losier-Cool, qui vient de la province du Nouveau-Brunswick et qui a fait une contribution remarquable depuis sa nomination au Sénat. Nous sommes très heureux d'appuyer la motion du sénateur Mercier.
[Traduction]
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, permettez-moi d'ajouter un mot dans le débat sur ce rapport. Au nom des sénateurs qui siègent de ce côté-ci, je félicite le sénateur désigné dans le rapport pour occuper le poste de Président pro tempore. Cette personne a rempli avec distinction son rôle de sénateur, et je suis persuadé qu'elle s'acquittera avec la même distinction des fonctions de Président pro tempore.
(1420)
Je félicite également le président du Comité de sélection et tous les sénateurs qui ont participé aux délibérations et pris la parole pour appuyer le rapport.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Français]
La Loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fraser, appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, avant de lire le texte que j'ai préparé, je veux vous rappeler que le projet de loi C-7 est substantiellement le même que le projet de loi C-69 dont nous avions commencé l'examen à la fin de la dernière session. Mes remarques, cet après-midi, vont plusieurs fois faire référence à l'ancien projet de loi C-69. N'y voyez pas là une tentative de vous induire en erreur, car le projet de loi C-69 équivaut au projet de loi C-7.
Je tiens aussi, avant de débuter mon discours, à remercier l'honorable sénateur Fraser pour avoir appuyé les interventions que j'ai faites en cette Chambre, ainsi qu'au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, pour modifier l'ancêtre du projet de loi C-7, soit le projet de loi C-69, au niveau des pouvoirs réglementaires confiés au solliciteur général.
Je tiens également à souligner que le solliciteur général a accueilli avec plaisir les modifications que j'ai proposées à ce projet de loi en juin dernier. Je lui en suis très reconnaissant.
Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire. La réhabilitation, en vertu des articles 5, 6 et 7 de la Loi sur le casier judiciaire, permet aux individus de faire sceller leur casier judiciaire après avoir été condamnés pour une infraction criminelle, avoir purgé leur peine en totalité et montré qu'ils étaient devenus des citoyens respectueux des lois. Ces dispositions contribuent à faciliter la réinsertion sociale des délinquants. Il s'agit d'un principe important de notre droit pénal.
En vertu de la Loi sur le casier judiciaire, la Commission nationale des libérations conditionnelles a le pouvoir de délivrer, d'octroyer, de refuser ou de révoquer une réhabilitation à l'égard d'une infraction à une loi fédérale ou à ses règlements. De plus, la Loi canadienne sur les droits de la personne interdit toute discrimination envers les personnes qui ont obtenu une réhabilitation du solliciteur général du Canada. Il est important de mentionner que la réhabilitation n'efface pas l'existence de la condamnation et qu'elle peut être automatiquement annulée si la personne est ultérieurement condamnée pour un acte criminel.
Actuellement, la Loi sur le casier judiciaire prévoit les conséquences de l'octroi de la réhabilitation, comme la mise sous scellés du casier judiciaire du délinquant. Elle prévoit également que tout dossier visé par la réhabilitation, que garde le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, un ministère ou un organisme fédéral, doit être classé à part des autres casiers ou autres relevés relatifs à des affaires pénales. De plus, il est interdit de le communiquer, d'en révéler l'existence ou de révéler le fait de la condamnation sans l'autorisation préalable du solliciteur général du Canada.
Honorables sénateurs, les modifications proposées par le gouvernement à la Loi sur le casier judiciaire, par le biais du projet de loi C-7, visent à augmenter la sécurité de la population. Principalement, elles sont destinées à empêcher les délinquants sexuels d'occuper des postes de confiance auprès des enfants ou d'autres personnes vulnérables.
Pour atteindre cet objectif, le projet de loi C-7 propose d'ajouter une disposition supplémentaire en ce qui a trait au cas particulier du casier judiciaire des délinquants sexuels réhabilités. Le nouvel article 6.3 de la Loi sur le casier judiciaire prévoit que le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada peut inclure, dans le fichier automatisé des relevés de condamnations criminelles géré par la GRC, un indicateur ou un marqueur qui informera le service de police faisant une recherche à des fins de filtrage, qu'il existe, relativement à une personne, un dossier scellé ou un relevé d'une condamnation pour une infraction à caractère sexuel prévue aux règlements à l'égard de laquelle il lui a été octroyé une réhabilitation. Cette recommandation a été approuvée à l'unanimité par les ministres fédéral et provinciaux de la Justice lors de leur réunion d'octobre 1998, à Regina. Ainsi, les organismes qui offrent des services à des enfants, et qui veulent engager un bénévole ou un employé rémunéré, pourront maintenant déterminer si le candidat a obtenu une réhabilitation à l'égard d'une infraction sexuelle. Cette vérification ne pourra être effectuée qu'à deux conditions: d'une part, si l'emploi plaçait le postulant en situation d'autorité ou de confiance par rapport aux enfants ou à d'autres personnes vulnérables; d'autre part, si celui-ci a consenti par écrit à la vérification.
Le «marqueur» signalera à la police qui fait la vérification à des fins de filtrage que sa demande de divulgation du casier d'une personne réhabilitée doit être accompagnée des empreintes digitales de la personne en question. Si la vérification permet d'établir que la personne a déjà fait l'objet d'une condamnation pour une infraction à caractère sexuel, la GRC ou le corps policier en question qui a procédé à la vérification peut demander au commissaire de la GRC de remettre au solliciteur général tout dossier ou relevé de condamnation à l'égard de l'individu. Le solliciteur général pourra décider de la pertinence de divulguer le contenu du casier. Si ce dernier l'autorise, la GRC ou le service de police pourra communiquer les renseignements à l'organisme qui en a fait la demande.
Par contre, l'organisme ne pourra utiliser ces informations que dans le cadre de l'examen de la demande d'emploi. Pour éviter des abus, le projet de loi prévoit que cette vérification ne pourra être réalisée à une autre fin que celle d'étudier une demande d'emploi.
Honorables sénateurs, il me fait plaisir de vous dire que je suis pleinement en accord avec les objectifs et les principes qui sous-tendent le projet de loi C-7. Il est clair que la sécurité de nos enfants et des personnes vulnérables de notre société sera mieux protégée par ces nouvelles mesures.
Par contre, je tiens à mentionner que plusieurs associations, comme la Société Elizabeth Fry et la Criminal Lawyers' Association, ont émis des réserves quant à la politique sur laquelle se fonde le projet le de loi C-7.
La principale inquiétude de ces groupes se fonde sur le fait que ce projet de loi pourrait compromettre l'intégrité du système de réhabilitation et son rôle dans la réadaptation et la réintégration des délinquants. Ils soutiennent notamment que le solliciteur général n'a pas établi de façon satisfaisante que la loi actuelle sur le casier judiciaire et la réhabilitation ne suffit plus pour protéger adéquatement la société des prédateurs sexuels qui ont été réhabilités.
(1430)
De plus, la Société John Howard et la Société Elizabeth Fry craignent qu'en permettant l'accès aux dossiers de réhabilitation, on ne donne un faux sentiment de sécurité, en reléguant dans l'ombre d'autres éléments clé de la sélection du personnel pour les postes de confiance par rapport à des enfants ou des personnes vulnérables.
Honorables sénateurs, lors des travaux du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur le projet de loi C-69, nous avons étudié cette question très attentivement. En ce sens, j'aimerais aborder rapidement la question d'équilibre entre les droits des personnes réhabilitées par le solliciteur général du Canada et ceux des enfants ou des personnes vulnérables. Même si, aux yeux de certains, les dispositions de ce projet de loi semblent remettre en cause le principe de réhabilitation sociale sur lequel repose le fonctionnement de notre système de libération conditionnelle et de réhabilitation, ce projet en arrive toutefois à un certain équilibre entre les droits de la personne qui a été accusée, condamnée puis libérée, et ceux des enfants que nous devons protéger.
Honorables sénateurs, il est évident que lorsqu'il s'agit d'agresseurs d'enfants ou de personnes âgées, une seule infraction en est déjà une de trop. Les conséquences sont graves et nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, en tant que parlementaires, pour éviter que de tels événements se reproduisent. Lorsque j'affirme que le projet de loi parvient à un certain équilibre entre les droits des deux groupes d'individus, je n'essaie pas de minimiser ou de banaliser le problème, mais je veux le mettre en contexte. Quand nous parlons d'actes criminels, du traitement des criminels et d'offrir des mesures de lutte efficaces et réalistes contre ce genre de crimes, nous devons voir les choses dans un contexte comparatif.
Je peux vous affirmer, en tant qu'avocat, qu'il est toujours très difficile de parvenir au parfait équilibre entre les droits des personnes qui ont démontré qu'elles pouvaient mener une vie normale, et le fait d'éviter que le système de réhabilitation ne devienne un mécanisme qui masque les antécédents des personnes qui risquent de présenter un danger pour les enfants et d'autres personnes vulnérables. C'est un problème épineux.
En ce sens, le gouvernement fédéral a convenu avec toutes les autres administrations provinciales et judiciaires, lors d'une conférence des ministres de la Justice, de mettre en place un système de repérage de ce genre. C'est le consensus auquel sont parvenus tous ces ministres. C'est un compromis, c'est une proposition qui ne va pas à l'extrême dans un sens ou dans l'autre, mais qui est considérée comme étant équilibrée et réalisable.
En réponse aux préoccupations légitimes exprimées par certains membres du comité et certaines associations qui craignent que le projet de loi ne compromette les objectifs de réhabilitation du processus d'octroi d'un pardon, je souligne que le projet de loi ne prévoit qu'une seule exception aux avantages prévus de la réhabilitation. Il prévoit un système de repérage extrêmement ciblé dans lequel sont incluses des mesures de protection des droits de la personne réhabilitée.
J'aimerais maintenant aborder la question de la réglementation - qui, soit dit en passant, a été au coeur des travaux du comité des affaires juridiques - relative à l'application des dispositions pour permettre le marquage du casier judiciaire. Comme vous le savez, cette question me préoccupe au plus haut point.
Actuellement, l'article 8 du projet de loi prévoit modifier l'article 9.1 de la Loi sur le casier judiciaire pour que cette nouvelle disposition sur le marquage des dossiers de personnes réhabilitées suite à une comdamnation pour une infraction à caractère sexuel soit appliquée correctement. En vertu du projet de loi C-7 - donc le projet de loi que nous avons devant nous, et c'était aussi le cas du projet de loi C-69 - le gouvernement pourra par règlement, premièrement, dresser la liste des infractions visées par le terme «à caractère sexuel»; deuxièmement, régir l'inclusion du marqueur à l'égard des casiers judiciaires et relevés de condamnation et la vérification de ces derniers; troisièmement, définir les termes «enfants» et «personnes vulnérables»; et quatrièmement, régir les processus de consentement de l'individu visés au nouvel article 6.3, de la vérification des dossiers ou de la communication des renseignements que le casier contient à l'organisme qui en fait la demande, et préciser dans le règlement les facteurs que le solliciteur général prend en considération lorsqu'il décide d'autoriser ou non la divulgation du contenu du dossier d'une personne réhabilitée.
Lors de la comparution du solliciteur général devant les membres du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 14 juin dernier, j'ai affirmé que les pouvoirs réglementaires, tels que définis par le projet de loi C-69, étaient une question de politique. À cet effet, je lui ai posé plusieurs questions.
Dans un premier temps, pourquoi la liste des infractions visées au paragraphe en question serait-elle dressée, modifiée, allongée ou réduite par le gouverneur en conseil seulement, sans un examen approfondi par les deux Chambres du Parlement? Pourquoi les définitions des mots «enfants» et «personnes vulnérables» seront-elles également assujetties au pouvoir réglementaire du gouverneur en conseil?
Pourquoi le processus de consentement de l'individu visé au nouvel article 6.3 de la vérification des dossiers ou de la communication des renseignements que le casier contient à l'organisme qui en fait la demande est-il confié uniquement au gouverneur en conseil? Pourquoi le projet de loi ne mentionnait-il pas qu'il ne s'adressait uniquement qu'aux individus qui avaient été condamnés pour une infraction à caractère sexuel? Même si tous les discours du gouvernement dans l'autre Chambre et au Sénat ont toujours parlé d'infraction à caractère sexuel, le projet de loi ne faisait pas référence spécifiquement au caractère sexuel de ces infractions.
Pourquoi le projet de loi ne contenait-il pas en annexe une liste des infractions à caractère sexuel même si d'autres législations fédérales, comme la Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques, contiennent un appendice qui identifie clairement les infractions qui sont visées par les dispositions de la loi?
Honorables sénateurs, lorsque j'ai pris la parole en juin dernier, lors du débat en deuxième lecture du projet de loi C-69, j'ai affirmé que les pouvoirs confiés au gouverneur en conseil semblaient très importants. Lors du témoignage du solliciteur général au comité, je lui ai mentionné que l'on pourrait régler ces questions en les insérant dans le projet de loi. Prenez note, honorables sénateurs, que depuis quelques années, le gouvernement actuel - et l'ancien gouvernement - tente de soustraire, de plusieurs projets de loi, les définitions juridiques ou le processus de fonctionnement d'une législation qui pourraient être contestés ou modifiés lorsqu'ils sont analysés par les membres du Parlement, les comités permanents des deux Chambres ou les groupes d'intérêt. Vous en conviendrez, cela est très inquiétant, car le processus de consultation pour l'étude d'un projet de loi et l'étude d'une nouvelle réglementation n'est pas du tout le même.
Dans le cas de la définition des termes «enfants» ou «personnes vulnérables», les fonctionnaires du ministère du Solliciteur général ont répondu à nos préoccupations de la façon suivante:
Dans le cas de «personnes vulnérables», la définition n'avait pas été incluse dans le projet de loi car elle pourrait changer au cours des prochaines années. En ce sens, il aurait donc été difficile de définir ce terme dans la loi sur le casier judiciaire. Dans ce contexte, il était plus avantageux que les ministres puissent modifier cette définition par règlement sans avoir à présenter un nouveau projet de loi. Malgré tout, j'ai rappelé au ministre et à ses fonctionnaires qu'une partie du Code civil du Québec traite abondamment et de façon très précise des personnes vulnérables pour que leurs droits civils soient protégés.
Dans le cas du terme «enfants», les fonctionnaires ont affirmé que cette définition était déjà incluse dans d'autres lois et qu'il n'y avait donc aucune nécessité de l'inclure dans le projet de loi C-69. Pourtant, la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents que nous étudierons au cours des prochains mois contient une définition du terme «enfants». Elle se résume à ceci: un enfant est une personne âgée de moins de 18 ans. Contrairement à ce qu'ont affirmé le ministre et ses fonctionnaires, je suis convaincu que cette définition ne changera pas souvent.
(1440)
De plus, ces mêmes fonctionnaires ont affirmé, pour justifier ces deux oublis, que le ministère a suivi la même approche pour les modifications aux annexes à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Actuellement, ces annexes contiennent plusieurs définitions légales et réglementaires qui sont modifiées par décret.
Honorables sénateurs, je tiens à souligner que plusieurs membres du comité, dont moi-même, ont fait remarquer au ministre que même si l'article 8 du projet de loi C-69, qui a trait au pouvoir réglementaire, mentionnait le fait que les infractions retenues pour la rédaction de la liste seraient à caractère sexuel, le projet de loi ne faisait aucunement mention qu'il s'adressait uniquement aux individus qui avaient été condamnés pour une infraction à caractère sexuel. À plusieurs endroits dans le projet de loi, on ne faisait référence qu'au terme «infraction». Par conséquent, cette liste aurait pu inclure une série d'infractions qui n'auraient pas un caractère spécifiquement sexuel, ce qui aurait augmenté la portée des dispositions du projet de loi C-69. Suite à nos questions et à nos remarques, les fonctionnaires du ministère du Solliciteur général ont avoué que quelqu'un avait demandé que l'on fasse figurer sur la liste une clause omnibus stipulant essentiellement ceci: «[...] et toute autre infraction pour laquelle la Commission des libérations conditionnelles décidera de mettre un indicateur». Cela est trop vague et trop large.
Pour ce qui est de l'absence d'une liste des infractions à caractère sexuel en annexe à la loi, le ministre a tenté de justifier cet oubli en affirmant qu'il serait plus simple de rédiger et d'amender cette liste par décret que par le biais du processus parlementaire. Ce dernier a jugé que cette latitude était nécessaire pour accélérer les modifications futures à cette liste. Les fonctionnaires du ministère ont affirmé que cette liste existe déjà. Elle a été rédigée en collaboration avec les provinces pour décider de ce qu'il convenait d'inclure dans la liste qui doit contenir des infractions de nature sexuelle visant particulièrement des enfants ou des groupes vulnérables. Si elle est déjà rédigée, pourquoi ne pas l'avoir incluse dans le projet de loi? Cela nous aurait donné l'occasion de l'étudier immédiatement.
Honorables sénateurs, en se rapportant aux témoignages du solliciteur général et de ses fonctionnaires, il est clair que dans sa forme actuelle, le projet de loi C-7, qui reprend textuellement le projet de loi C-69, pourrait être contesté pour des motifs relatifs à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment parce que le projet de loi ne signifie pas qu'il s'adresse uniquement aux personnes qui ont été condamnées puis réhabilitées suite à des infractions à caractère sexuel contre des enfants ou des personnes vulnérables. En conséquence, la liste d'infractions qui sera à la base de l'application de cette nouvelle législation pourrait être beaucoup trop vague et elle dépasserait largement l'intention du législateur. Je tiens à vous rappeler que le droit pénal est fondamental. Un crime est un crime. En ce sens, il semble peu approprié de laisser ces décisions au pouvoir exécutif, uniquement au pouvoir exécutif, plutôt qu'au pouvoir législatif. De plus, on ne peut renier le principe qui veut que toutes nos lois soient en accord avec les dispositions de la Charte des droits et libertés.
Enfin, dans le cas du consentement, les fonctionnaires du ministère ont avoué qu'ils n'avaient pas jugé nécessaire d'inclure dans la loi le processus de consentement de l'individu prévu à l'article 6.3 du projet de loi. Dans plusieurs autres lois fédérales, ce processus de consentement est présent spécifiquement dans la loi.
Honorables sénateurs, pour tenter de rassurer les membres du comité, le ministre a justifié l'inclusion dans la loi de tous ces pouvoirs réglementaires pour des raisons pratiques. Dans son esprit, certains de ces changements peuvent prendre énormément de temps, surtout s'ils devaient faire l'objet d'en examen parlementaire approfondi. Dans le cas présent, le gouvernement risque de se retrouver dans une situation que d'autres qualifieraient d'urgente et de ne pas être en mesure d'aller suffisamment vite si, par exemple, la définition des mots «enfants» ou «personnes vulnérables» ou le processus de consentement de l'individu devaient être modifiés rapidement pour des raisons pratiques ou légales.
Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, il est vrai qu'il est urgent de veiller à la protection des enfants et des personnes vulnérables contre les prédateurs sexuels. Par contre, cela n'est pas une raison pour abroger les pouvoirs du Parlement et de passer outre les principes de notre Charte.
C'est pour cette raison que certains membres du comité et moi-même n'avons pas accepté les explications du ministre, ses argument et ceux de ses fonctionnaires. Nous avons affirmé qu'il était troublant de constater que le gouvernement semble soustraire des questions importantes à l'examen parlementaire. En ce sens, nous avons fait part au ministre de nos inquiétudes quant à l'érosion des pouvoirs du Parlement par suite d'un recours excessif au pouvoir réglementaire dans les projets de loi pour définir des questions aussi importantes.
Face à l'ampleur des critiques des membres du comité - vous savez que c'est une histoire qui finit bien -, le solliciteur général s'est engagé à réévaluer les dispositions du projet de loi au cours de l'été. Il me semblait plus urgent d'adopter le projet de loi rapidement. Le 9 septembre dernier, les fonctionnaires du ministère du Solliciteur général ont présenté aux membres du comité des amendements pour corriger les lacunes du projet de loi C-69. Ils ont pour but principalement d'abroger l'article 8 du projet de loi. Tous les pouvoirs réglementaires, qui étaient auparavant confiés au ministre, seront inclus dans la Loi sur le casier judiciaire. De plus, le projet de loi spécifiera que le système de marquage des casiers judiciaires ne s'adressera qu'aux individus qui ont été condamnés pour des infractions à caractère sexuel. Pour mieux encadrer ce processus, une liste d'infractions a été ajoutée en annexe du projet de loi. Je présume que vous comprenez que je parle du projet de loi C-69. Cette dernière pourra être modifiée par décret. Ensuite, les définitions d'«enfants» ou de «personnes vulnérables» ont été déplacées, du texte du règlement au texte du projet de loi.
Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure en affirmant qu'encore une fois, grâce à la vigilance des membres de votre comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le projet de loi C-69 et, je l'espère bien, le projet de loi C-7, ont été grandement améliorés de façon à ce que les droits des personnes réhabilitées, ainsi que ceux des enfants et des personnes vulnérables soient protégés équitablement.
À la toute fin de mes remarques, j'appuie les principes de ce projet de loi. Il sera examiné comme il le faut au comité des affaires juridiques et constitutionnelles. J'espère que le gouvernement réintroduira les amendements qu'il avait acceptés pour amender le projet de loi C-69. Nous serons, encore une fois, très vigilants en votre nom, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, j'irai de l'avant avec la motion.
L'honorable sénateur Fraser, appuyée par l'honorable sénateur Gill, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisème fois?(Sur la motion du sénateur Fraser, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
[Traduction]
[Plus tôt]
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Altesse Royale Samdech Krom Khun Norodom Sirivudh, vice-premier ministre du Royaume du Cambodge. Son Altesse est accompagnée de M. Kao Kim Hourn, directeur général de l'Institut cambodgien pour la coopération et la paix.Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
(1450)
Affaires juridiques et constitutionnelles
Avis de motion demandant l'autorisation d'utiliser les documents et témoignages recueillis lors de l'étude du projet de loi précédent aux fins de l'étude du projet de loi C-7
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 18 novembre 1999, je proposerai:
Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi C-69, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et une autre loi en conséquence, lors de la première session de la trente-sixième législature soient renvoyés au Comité pour la présente étude du projet de loi C-7.
[Français]
[Plus tôt]
Visiteurs de marque
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à la tribune d'une délégation des chefs et autres membres du groupe des Montagnais du Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord du Québec, invités d'honneur de l'honorable sénateur Gill.De la part de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.
Des voix: Bravo!
[Traduction]
Affaires étrangères
Autorisation au comité de reporter la date de dépôt de son rapport final sur la modification du mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:L'honorable John B. Stewart, conformément à l'avis du 16 novembre 1999, propose:
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 14 octobre 1999, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, autorisé à examiner pour en faire rapport les ramifications pour le Canada: 1). de la modification apportée au mandat de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et au rôle du Canada dans l'OTAN depuis la dissolution du pacte de Varsovie, de la fin de la guerre froide et de l'entrée récente dans l'OTAN de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque; et 2). du maintien de la paix, surtout la capacité du Canada d'y participer sous les auspices de n'importe quel organisme international dont le Canada fait partie, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 15 décembre 1999; et
Que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu'au 24 décembre 1999; et
Que le Comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
(La motion est adoptée.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous avons reçu il y a un instant un avis de motion du sénateur Fraser. Une motion similaire du sénateur Oliver figure au Feuilleton. On ne semble pas savoir très bien si une motion demandant l'autorisation d'utiliser des documents et témoignages recueillis par un comité sénatorial permanent au cours d'une session antérieure du Parlement aux fins d'un comité de même nom établi au cours d'une nouvelle session et chargé d'étudier le même sujet est conforme au Réglement. On ne semble pas très bien connaître le Règlement. Pouvez-vous nous fournir des éclaircissements afin d'écarter tout malentendu?Son Honneur le Président: Je remercie le sénateur Kinsella de signaler cette affaire.
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je dirai simplement que la demande vient à propos, même si je dois mentionner que cette affaire a surgi par suite des préoccupations du sénateur Cools. Je devrais peut-être lui céder la parole plutôt que d'essayer moi-même de résumer la question. Je dirai, toutefois, que je conviens avec le chef adjoint de l'opposition qu'il serait opportun de demander à Son Honneur de trancher cette question.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je serais très heureuse d'ajouter mon grain de sel au débat. Tout d'abord, je voudrais des éclaircissements. Est-ce un rappel au Règlement? De quelle question sommes-nous saisis?
Le sénateur Hays: C'est une demande faite à la présidence de déterminer la recevabilité de la motion, dont avis a été donné par le sénateur Fraser.
Le sénateur Cools: Le sénateur Kinsella s'interroge-t-il au sujet de la recevabilité de la motion présentée par le sénateur Fraser? Cela me paraît étrange.
Le sénateur Kinsella: Non, le sénateur Fraser a dûment donné un avis de motion, dont nous comprenons fort bien la teneur. Une motion semblable a été présentée par le sénateur Oliver la semaine dernière. Cette motion a légitimement suscité des questions de la part de sénateurs, dont le sénateur Cools. Il semble y avoir au moins deux écoles de pensée quant à savoir si, après la prorogation, les travaux accomplis durant une session par un comité sénatorial sur un sujet donné peuvent être renvoyés au nouveau comité. À mon avis, il importe de clarifier la question.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je prévoyais apporter certains éclaircissements à cet égard demain, lorsque je participerai au débat sur la motion du sénateur Fraser, mais si les sénateurs le désirent, je peux le faire maintenant. J'essaie de déterminer dans quel contexte je réponds aux questions du sénateur Kinsella. Je suis prête à aborder cette question.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous allons au-devant des choses. Tout ce que nous avons, c'est un avis de motion du sénateur Fraser. Il n'y a pas de débat sur un avis de motion ni même de possibilité d'invoquer le Règlement à cet égard. La question doit être soulevée une fois que nous sommes saisis de la motion. Toutefois, je me plierai à la volonté des honorables sénateurs. Si vous voulez que je tranche la question maintenant, je peux le faire, mais je crois qu'il serait plus opportun d'attendre que nous arrivions à cet article au Feuilleton.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai invoqué le Règlement concernant le fonds d'une motion dont le sénateur Fraser a donné avis. Une motion semblable a été proposée par le sénateur Oliver. Comme c'est au Président qu'incombe la lourde responsabilité d'interpréter notre Règlement, j'ai demandé des éclaircissements. J'ai invoqué le Règlement pour demander des éclaircissements au sujet du Règlement parce que je crois que nous en avons occasionnellement besoin. J'ai pris la parole non pas pour débattre l'avis de motion, mais bien pour invoquer le Règlement au moment opportun, qui est maintenant.
Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, si je puis me permettre d'intervenir pour replacer les choses dans leur contexte, je dirais que s'il y a matière à controverse, ce n'est pas tant l'avis de motion du sénateur Fraser que le point soulevé au nom du sénateur Cools, à savoir la motion no 8 du sénateur Oliver. Tout ce qui m'importe, c'est que la question fasse l'objet d'un débat. En ce qui nous concerne, l'affaire peut être entendue sur-le-champ. Nous ne nous y opposons pas. L'affaire pourrait également être entendue au moment où la Chambre sera saisie de la motion du sénateur Oliver.
Pour ma part, j'estime qu'aujourd'hui serait un moment bien choisi, surtout que vous prévoyez devoir vous absenter. Quoi qu'il en soit, le sénateur Cools est la personne qui a soulevé la question, et je crois qu'elle devrait expliquer ce qui la préoccupe.
Le sénateur Cools: Je veux bien.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je le répète, je crois que nous allons trop vite en besogne. Tout ce que nous avons devant nous, dans le cas du sénateur Fraser, c'est un avis de motion. Autrement dit, nous ne sommes pas saisis de cette affaire. Un avis de motion ne saurait faire l'objet d'un rappel au Règlement ou d'un pareil débat. On nous dit simplement que madame le sénateur entend proposer quelque chose. Nous pourrons en débattre quand elle se sera exécutée.
Si tel est le bon plaisir du Sénat, nous pouvons commencer dès maintenant. Je m'en remets à vous à cet égard.
(1500)
Honorables sénateurs, je répète qu'à mon avis, la façon la plus ordonnée de faire les choses serait de traiter de chaque question selon leur ordre de présentation. Si le débat sur la motion du sénateur Oliver est ajourné au nom de madame le sénateur Cools, nous en discuterions alors, pour passer ensuite à la motion du sénateur Fraser. Toutefois, je m'en remets à vous.
Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, si le Président est prêt à traiter de ce sujet de façon abstraite maintenant, peut-être pourrions-nous en parler aujourd'hui, lorsque nous en viendrons à la motion du sénateur Oliver.
J'aimerais souligner que la motion du sénateur Oliver qui nous a bien été présentée et qui est ajournée au nom du sénateur Cools est, en substance, exactement la même que l'avis de motion du sénateur Fraser. Serait-il acceptable que nous en discutions lorsque la motion du sénateur Oliver sera étudiée? Si c'est acceptable, je suggère que nous procédions ainsi.
Son Honneur le Président: L'avis de motion et la motion sont semblables puisqu'ils s'appuient sur le même principe. Ils ne sont toutefois pas identiques puisqu'ils traitent de sujets différents.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, nous pourrions peut-être traiter de la question complexe soulevée dans le cas de la motion du sénateur Oliver en proposant un amendement. Je m'en remets au Sénat. Si les sénateurs sont d'avis que l'on devrait tenter de résoudre ces questions aujourd'hui, je suis d'accord. Toutefois, je suis d'avis que cela ne constitue pas vraiment un rappel au Règlement, mais plutôt une question de fond. Si tel est le cas, il aurait peut-être été préférable d'en traiter sous la rubrique d'un avis de motion du gouvernement, ce qui renvoie à l'avis de motion du sénateur Fraser.
Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, nous en discuterons lorsque nous passerons à la motion du sénateur Oliver. Peut-être serait-il préférable d'en parler à ce moment pour être bien certains que nos commentaires soient recevables.
Des voix: D'accord.
Le Budget des dépenses de 1999-2000
Autorisation donnée au comité des finances nationales d'étudier le Budget supplémentaire (A)
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 16 novembre 1999, propose:Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000, à l'exception du crédit 10a du Parlement et du crédit 25a du Conseil privé.
(La motion est adoptée.)
Le Budget des dépenses de 1999-2000
Renvoi du crédit 25a du Conseil privé au comité mixte permanent des langues officielles
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 16 novembre 1999, propose:Que le Comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 25a du Conseil privé contenu dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
(La motion est adoptée.)
Le Budget des dépenses de 1999-2000
Renvoi du crédit 10a du Conseil privé au comité mixte permanent de la Bibliothèque du parlement
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 16 novembre 1999, propose:Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 10a du Parlement contenu dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
(La motion est adoptée.)
Le Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat
L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel (peines consécutives), soit lu une deuxième fois.-(L'honorable sénateur Cools).- Honorables sénateurs, je prends la parole pour proposer que le projet de loi C-247 soit lu une deuxième fois et pour lancer le débat sur ce projet de loi.
À l'heure actuelle, les auteurs de meurtres multiples ne peuvent être condamnés à des peines supplémentaires, ne serait-ce que d'une journée ou d'une heure pour le deuxième, le troisième ou même le onzième meurtre violent qu'ils commettent. Le projet de loi C-247 remet en question la notion selon laquelle les auteurs de meurtres multiples devraient être admissibles à une libération conditionnelle après avoir purgé de 10 à 25 ans de leur peine d'emprisonnement à perpétuité, quel que soit le nombre de meurtres qu'ils ont commis. Le projet de loi d'Albina Guarnieri supprimera cette garantie et donnera aux juges la possibilité d'imposer des peines proportionnelles aux crimes commis. Ils auront alors la souplesse nécessaire pour ajouter une journée ou une année ou jusqu'à 25 ans de plus à la peine imposée. Les seuls meurtriers qui feront face à cette possibilité seront ceux condamnés pour des meurtres multiples.
Le projet de loi C-247 était le C-251 au cours de la dernière session. Le Sénat a reçu le projet de loi C-251 le 8 juin 1999 durant les derniers jours de la session. Le 17 juin, le Sénat a ajourné pour l'été et a repris ses travaux le 7 septembre. Le 17 septembre il y a eu prorogation des Chambres. En conséquence, le projet de loi C-251 a expiré au Feuilleton. Le 19 octobre, à la Chambre des communes, Albina Guarnieri a présenté son projet de loi C-247 qui était en fait l'ancien projet de loi C-251. Le projet de loi C-247 a été lu en première lecture au Sénat le 2 novembre.
Honorables sénateurs, pendant quatre ans les Communes ont été saisies de ce projet de loi sous quatre numéros différents, soit le C-274, le C-321 en 1996, le C-251 en 1997 et maintenant le C-247. Cela montre bien l'importance de l'opinion de la Chambre des communes pour le Cabinet et le ministre responsable. Le projet de loi C-247 est un projet de loi d'initiative parlementaire rédigé, défendu et parrainé à la Chambre des communes par Albina Guarnieri, la députée libérale de Mississauga-Est, près de Toronto.
Ce projet de loi répond à une question sociale importante et pressante, la condition du système de justice pénale au Canada. Albina Guarnieri m'a demandé de parrainer son projet de loi ici et de le défendre au Sénat. Je la tiens en haute estime. Malgré de nombreux obstacles mis délibérément en travers de sa route, elle a fait avancer ce projet de loi. Je l'en félicite et l'en remercie. Tous les Canadiens lui doivent beaucoup. Je l'appuie dans ses efforts, surtout dans la tâche difficile qui consiste à encaisser les coups brutaux qui sont portés à l'intérieur de son propre caucus, un domaine des relations humaines auquel on devrait sérieusement réfléchir.
(1510)
Honorables sénateurs, le 18 août 1997, à Surrey, en Colombie-Britannique, j'ai assisté en compagnie d'Albina Guarnieri à l'audience, en vertu de l'article 745, du détenu Clifford Olson. Aucun arrangement n'avait été pris par le procureur général ou le tribunal pour permettre à des députés de suivre cette audience. Les députés libéraux à la Chambre des communes, Dan McTeague et Paul Steckle étaient également présents, de même que John Nunziata, un ancien député libéral aujourd'hui indépendant, et plusieurs membres du Parti réformiste. Christie Blatchford a très bien décrit cette audience. Dans son article intitulé: «Clifford Olson's `macabre circus'», paru le 19 août 1997 dans le Toronto Sun, elle dit:
Le sénateur libéral Anne Cools était tellement choquée qu'elle était presque incohérente, disant entre ses dents que le «cirque macabre» auquel on était en train d'assister au tribunal était tellement malveillant qu'elle devait absolument faire quelque chose pour se remonter, autrement elle ne pourrait pas le supporter plus longtemps.
Honorables sénateurs, le 1er décembre 1998, dans son témoignage devant le comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes à propos du projet de loi C-251, aujourd'hui le C-247, Albina Guarnieri a décrit l'audience en vertu de l'article 745, présidée par le juge Richard Low, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, en donnant un aperçu du détenu Olson. Elle a dit:
Pour moi, le moment le plus alarmant dans le procès Olson s'est produit lorsque Olson a lu à haute voix une lettre de son avocat lui conseillant d'avouer d'un seul coup tous les meurtres qu'il avait commis. Ainsi, indiquait l'avocat, Olson pourrait pleinement profiter du système de peines concurrentes.
Olson a dit que son avocat lui avait conseillé de pleinement profiter du système de peines concurrentes.
Albina Guarnieri poursuit:
Olson a nargué le tribunal en leur disant: «Ils ne peuvent rien faire. Ils ne peuvent que me donner une peine concurrente».
Simplement pour vous donner une petite idée des autres conseils émanant du membre estimé du barreau représentant Olson, Olson a cité une lettre de son avocat qui disait:
Préparer un plan qui consistera d'abord à faire en sorte que vous êtes complètement protégé des agissements de la part de policiers boy-scouts trop zélés.
L'imposition de peines concurrentes est avantageuse pour les auteurs méchants de meurtres multiples au premier et au deuxième degré. Albina Guarnieri nous a invités carrément à examiner cette brûlante question de politique publique, la détermination de la peine à l'égard de criminels, et plus particulièrement des auteurs cruels, obstinés, incorrigibles et méchants de meurtres multiples au premier et au deuxième degré. Il s'agit de la détermination de la peine pour des actes vraiment mauvais. Le «mal» est un mot rarement utilisé parce que son emploi exige une définition du «bien» et de la source du «bien». De plus, ces termes, «bien» et «mal», imposent un débat moral, et un débat sur la notion d'un être transcendant, une déité, Dieu comme source de tout ce qui est bien. Sur la place publique de nos jours, l'élaboration de la politique publique et le débat sur ces questions sont dénués de convictions morales, ce qui donne ce que d'aucuns on appelé la «place publique toute nue». Beaucoup de leaders politiques actuels ont tâché de séparer la politique de la morale et de séparer la charge publique des convictions personnelles, en disant le faire au nom de la neutralité morale. Le débat public et politique au Parlement, sur la place publique, en l'absence de principes et de convictions morales, est un débat creux et raté. Le débat sur la place publique et au Parlement exige absolument que les participants fassent intervenir leurs convictions morales et éthiques dans le débat, et ce débat doit inclure des justifications morales.
Honorables sénateurs, ces derniers temps, beaucoup ont refusé d'admettre l'existence de la méchanceté humaine et qu'elle a peu d'explications et de théories. Les très rares explications de la méchanceté qui ont été élaborées sont d'ordre théologique. Or, les explications théologiques sont écartées de nos jours au nom de la neutralité morale. Cependant, ceux qui travaillent dans les services de détention, dans les services de police, dans le secteur de la poursuite et du droit pénal, et dans les services sociaux - de même qu'en politique et en relations politiques - savent que la méchanceté humaine existe. Elle existe vraiment. Ils savent également que la méchanceté humaine fera du mal à quiconque s'approche trop d'elle. Le mal a pour nature et caractéristique de porter atteinte au bien, de lui nuire et de l'affaiblir.
Un psychiatre, doublé d'un catholique, le docteur Scott Peck, a écrit au sujet du mal dans son ouvrage intitulé: People of the Lie: The Hope for Healing Human Evil. À propos du mal, qui effraie avec raison la plupart des gens, le Dr Peck écrit à la page 42:
Le fait que nous n'avons pas de définition généralement acceptée du mal témoigne de l'énorme mystère du sujet. Je crois cependant qu'instinctivement, nous avons tous une certaine compréhension de sa nature.
Ce savant psychiatre nous informe qu'il n'existe pas de définition généralement acceptée du mal, et nous parle de l'énorme mystère de la méchanceté humaine et la compréhension déficitaire que nous en avons. Le docteur Peck écrit encore, à la page 46:
Qu'il suffise d'admettre que, bien que nous ne disposions pas encore d'un bloc de connaissances scientifiques sur le mal qu'il vaille la peine d'honorer du terme «psychologie», les spécialistes du comportement ont jeté des bases qui rendent possible le développement d'une telle psychologie. La découverte de l'inconscient par Freud et la notion de l'ombre chez Jung sont toutes deux fondamentales.
Comprenant nos carences dans la connaissance du mal, il a appuyé les efforts du docteur Eric Fromm pour l'étudier. Le docteur Peck a ajouté, à la page 47:
Cependant, selon ma propre expérience, les êtres humains qui se livrent au mal sont très nombreux et paraissent habituellement très ordinaires aux yeux d'un observateur non averti.
Les honorables sénateurs se rappellent que bon nombre de commentateurs avaient signalé que Paul Bernardo et sa femme, Karla Homolka, semblaient très normaux et bien ordinaires.
Honorables sénateurs, les Clifford Olson et Karla Homolka ne sont pas malades, ni mentalement ni physiquement. Ils sont tout simplement méchants. Tous conviendront qu'il faut être méchant pour enlever la vie de sang-froid, intentionnellement, délibérément, et de façon répétée. Il faut être méchant pour assassiner brutalement, délibérément et de sang-froid plusieurs êtres humains, spécialement des enfants vulnérables et sans défense, afin de satisfaire des impulsions sexuelles débridées, des perversions sexuelles et d'obtenir une gratification sexuelle. Un tel mal résiste aux traitements ou aux remèdes. En outre, la notion actuelle de maladie mentale ne réussit pas à expliquer le mal et à l'enrayer, car ces contrevenants ne sont pas malades. Le mot «maladie» signifie mal à l'aise. Loin de les rendre mal à l'aise, leur comportement ne les gêne aucunement.
Le détenu Olson est tout à fait à l'aise avec sa condition. Il signe ses lettres «Clifford Robert Olson, TUEUR EN SÉRIE de 11 enfants». J'ai reçu une de ses lettres qu'il avait signée de cette façon. Le 23 avril 1996, au Sénat, j'ai soulevé la question de privilège, aux termes du paragraphe 43(1) du Règlement, à propos de cette lettre. Le Président du Sénat a jugé qu'il n'y avait pas atteinte au privilège à première vue. Le fait est que les lettres que des détenus adressent à des sénateurs et à des députés doivent leur être transmises par les autorités pénitentiaires, justement en raison du privilège parlementaire. La condition du détenu Olson n'est pas guérissable par des médecins qui traitent des personnes malades. Le détenu Olson n'est pas malade, il est méchant.
Honorables sénateurs, la question de la politique gouvernementale relative à la détermination de la peine et à l'exécution de la sentence en matière de justice pénale mérite l'attention du Parlement. Malheureusement, ce dernier ne s'en soucie guère. Il semblerait que les ministres et leurs services respectifs ne voient pas d'inconvénient à ce que le Parlement soit exclu du processus d'élaboration de la politique relative à cette question cruciale. Cela m'a paru d'autant plus clair lorsque l'examen de mes deux projets de loi, concernant la détenue Karla Homolka et les accords contestables sur les chefs d'accusation, a été interrompu sommairement et que les textes ont été retirés du Feuilleton. Dans le premier cas, en 1995, mon premier projet de loi, le S-11, Loi concernant une certaine Karla Homolka, avait été rejeté. La présidence en avait ordonné le retrait avant que je n'aie eu le temps de présenter la motion de deuxième lecture et sans qu'il y ait eu le moindre débat. En 1997, j'ai repris cette initiative dans le projet de loi S-16, Loi concernant une certaine Karla Homolka, et là encore, la présidence en a ordonné le retrait.
Dans le second cas, en 1996, au sujet du projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation), l'étude de mon projet de loi a été interrompue sans que le comité ait eu suffisamment de temps, à mon avis, pour s'en imprégner, sans qu'un débat ait été tenu, et sans qu'ait été entendu le moindre témoin. Les seuls témoins reçus par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour le projet de loi S-3, en sus de ma propre personne, ont été les représentants du ministère de la Justice, M. Yvan Roy et M. Fred Bobiasz, avocat attaché à la Section de la politique et de la modification du droit en matière pénale. Ces témoins ont essentiellement demandé au comité de rejeter l'initiative. Le comité ne m'a jamais accordé le privilège parlementaire de recomparaître pour exercer mon droit de réponse aux témoignages de MM. Roy et Bobiasz - lesquels avaient, à mon avis, la valeur d'une recommandation politique plutôt que celle d'un avis juridique - et il s'est empressé de rejeter le projet de loi.
(1520)
Mes opposants n'ont voulu ni d'un débat ni d'un examen. Ils auraient pu modifier le projet de loi ou même rejeter ma mesure parlementaire après un examen approfondi et un débat vigoureux. Ils ont préféré empêcher que la question fasse l'objet d'une étude et d'un débat au Parlement. Notre pays a besoin que le Parlement entreprenne un examen détaillé et approprié de la négociation de plaidoyers et des transactions pénales, spécialement dans le cas des meurtriers qui, comme les détenus Homolka et Olson, ont tué plusieurs personnes.
Honorables sénateurs, lors de l'audience demandée par Olson en vertu de l'article 745 et qui a eu lieu à Surrey, en Colombie-Britannique, j'ai appris que ce même M. Yvan Roy, du ministère de la Justice, était sur place, à la disposition des médias. Christie Blatchford, que j'ai déjà citée, a remarqué la présence de ces fonctionnaires à Surrey. Elle en parle en ces termes:
Elle identifie ces fonctionnaires comme étant Irène Arsenault, gestionnaire, Relations avec les médias, Division des affaires publiques du ministère de la Justice; Fraser Simons, directeur régional de la Commission des libérations conditionnelles, région d'Abbotsford; et, pour reprendre le terme utilisé par Blatchford, «le cerveau», Yvan Roy. On se souviendra que les personnes qui ont négocié le plaidoyer d'Homolka étaient George Thomson, sous-procureur général de l'Ontario, et le sous-procureur adjoint, Michael Code. Je prends note que, alors que le Sénat était saisi de mes projets de loi au sujet d'Homolka, ce même George Thomson est devenu sous-ministre de la Justice à Ottawa, du temps où Allan Rock en était le ministre, devenant de ce fait le patron de M. Roy, «le cerveau».... les fonctionnaires de la Justice étaient là pour donner des renseignements sur cet article controversé.
Honorables sénateurs, au Canada, on ne veut pas savoir ce que pensent les parlementaires de l'administration de la justice pénale, en particulier en ce qui concerne la détermination de la peine et le châtiment. Le projet de loi C-247 est l'expression d'une opinion parlementaire non voulue qui a été adoptée à la Chambre des communes par un vote majoritaire, même si la ministre de la Justice n'était pas d'accord. De toute évidence, l'opinion de la ministre n'était pas celle de la majorité des députés. Les observateurs suivent nos travaux pour savoir si l'opinion de la ministre de la Justice prévaudra maintenant au Sénat.
Albina Guarnieri a soulevé une question importante en droit pénal, soit celle de la détermination de la peine et du châtiment dans le cas de meurtriers dangereux. Elle a également soulevé la question du principe du parlement représentatif dans l'élaboration de la politique officielle sur la détermination de la peine. Plus important encore, elle a soulevé la question de la valeur de la vie d'un être humain dans le processus de détermination de la peine par un juge. Sa véritable question porte sur la valeur, la valeur réelle, de la vie d'un être humain par rapport à la sentence imposée à celui qui a enlevé une ou plusieurs vies. Comparaissant le 1er décembre 1998 devant le comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des commune, Albina Guarnieri a déclaré ce qui suit:
Je suis venue ici aujourd'hui pour réclamer un examen en bonne et due forme d'une manipulation perverse de la justice qui se produit sans consultation publique et sans l'appui des Canadiens. Les peines concurrentes constituent une mutation de la justice qui a donné lieu à des peines qui ne reflètent d'aucune façon la gravité des crimes commis et bien souvent ne tient absolument aucun compte de l'impact d'un prédateur sur la deuxième, troisième ou onzième victime.
Les Canadiens n'ont jamais voté pour les peines concurrentes. On ne leur a jamais demandé si leur identité, leur identité canadienne, était fonction d'un système de détermination de la peine plus laxiste, entre autres à l'égard des violeurs et des meurtriers. Les peines concurrentes vont à l'encontre de la notion fondamentale de justice.
Le fait est que les Canadiens estiment que chaque meurtre ou agression sexuelle, chaque victime, doit être comptabilisé dans le calcul de la peine.
En communiquant au comité les résultats d'un sondage qu'elle avait elle-même ordonné, et qui avait été mené par le sondeur POLLARA du Parti libéral, elle a ajouté:
C'est pourquoi 90 p. 100 des Canadiens sont partisans de modifier la loi pour s'assurer que les personnes reconnues coupables de plusieurs meurtres ou agressions sexuelles purgent des peines consécutives pour chaque infraction.
C'est ce qu'a indiqué un sondage national effectué par POLLARA le mois dernier. Ce sondage a également permis de constater qu'à peine 8 p. 100 des Canadiens sont favorables au statu quo.
On voit clairement notre condition parlementaire et politique lorsque des députés représentant la population doivent avoir recours aux sondages plutôt qu'à un débat pondéré pour convaincre les maîtres politiques de l'opinion publique. Albina Guarnieri poursuivait ainsi l'explication de son projet de loi:
L'objet du projet de loi C-251 est de faire en sorte que chaque crime grave de meurtre et d'agression sexuelle soit reconnu comme tel par le système judiciaire, en application du principe selon lequel la loi et la règle de droit doivent assurer une protection égale à chacun. Si, par le biais de l'imposition de peines concurrentes, on ne tient aucun compte des autres victimes qui suivent la première victime d'un violeur ou d'un meurtrier, ce principe est bafoué.
L'objet de mon projet de loi est d'exiger que chaque infraction à la loi ait une conséquence. Des périodes consécutives de non-admissibilité à la libération conditionnelle dans le cas de meurtres multiples au premier et au second degré et une peine consécutive pour chaque acte d'agression sexuelle favoriseraient une justice proportionnelle qui correspond davantage au système juste et équilibré que réclament les Canadiens.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-247 ne fait qu'ajouter un élément juridique de plus à ce que le gouvernement a déjà inscrit à l'article 745 du Code criminel, même tel que modifié en 1996 par le projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle). Comme nous le savons, l'emprisonnement à perpétuité est la peine minimale pour les meurtres au premier et au deuxième degré. C'est le compromis politique qu'on a fait en 1976 pour obtenir l'abolition de la peine capitale. Cette peine minimale fut donc adoptée et assortie d'une période fixe d'emprisonnement avant que le criminel ait le droit de demander une libération conditionnelle. Dans le cas d'un meurtre au premier degré, la date d'admissibilité à la libération conditionnelle survenait après 25 années complètes d'emprisonnement et, dans le cas d'un meurtre au deuxième degré, après une période d'emprisonnement de 10 ans.
Honorables sénateurs, il arrive fréquemment dans le public que l'on confonde la peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré et les 25 années qui sont effectivement purgées avant que le délinquant ne soit admissible à la libération conditionnelle. La peine d'emprisonnement à perpétuité dure jusqu'à la fin de la vie du délinquant, comme les mots le disent. La durée du mandat est celle de la vie du délinquant. La date d'expiration du mandat est celle du décès du détenu. Le Service correctionnel du Canada parle de «date d'expiration du mandat». La peine dure toute la vie. Il règne une grande confusion à ce sujet. Bien des gens pensent que l'emprisonnement à vie a une durée de 25 ans. La période de 25 ans est la partie de la peine qui doit être purgée avant que le détenu ne soit admissible à la libération conditionnelle. Après 25 ans, il peut adresser une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le régime de libération conditionnelle est une forme de clémence royale qui permet au détenu de continuer à purger sa peine dans la collectivité, hors des murs d'une prison. Une autre forme de clémence royale est la commutation de la peine de mort en peine d'emprisonnement à perpétuité. C'est ce qui a été prévu dans la loi pour donner suite au compromis politique de 1976 visant à abolir la peine capitale. Cependant, ce compromis est maintenant menacé par l'évolution du processus de détermination de la peine, qui compromet la justice elle-même. Dans les faits, la période de 25 ans à purger avant d'être admissible à la libération conditionnelle est devenue la peine réelle pour les meurtriers, y compris ceux qui ont commis plusieurs meurtres.
Honorables sénateurs, l'article 745, communément appelée la disposition de la lueur d'espoir, permet aux personnes reconnues coupables de meurtre au premier ou au deuxième degré qui ont purgé 15 ans de leur peine de présenter à un tribunal supérieur une demande d'examen judiciaire de leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle, demandant au tribunal de réduire la période qu'ils doivent passer en prison avant d'être admissibles à la libération conditionnelle. En 1996, le projet de loi C-45 présenté par le gouvernement modifiait l'article 745 pour empêcher les auteurs de meurtres multiples de demander un examen judiciaire de leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle. En faisant cela, le gouvernement a accepté une grande partie du raisonnement d'Albina Guarnieri, admettant que les auteurs de meurtres multiples devaient purger une peine plus longue avant d'être admissibles à la libération conditionnelle.
Honorables sénateurs, j'ai déjà mis en doute l'existence même de l'article 745 et proposé qu'il soit abrogé à cause de ses lacunes évidentes dans le projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (délai préalable à la libération conditionnelle), que j'ai présenté en 1996. Au sujet du projet de loi C-45, j'ai affirmé que c'était une modification à une disposition déjà déficiente. Durant le débat du 12 décembre 1996, j'ai dit ceci :
Honorables sénateurs, en 1976, l'article 745 du Code criminel a accordé aux tribunaux des pouvoirs inhabituels leur permettant de modifier les décisions de tribunaux supérieurs - des pouvoirs qui sont normalement réservés aux cours d'appel, aux autorités investies du pouvoir de clémence ou au Gouverneur général. Il a accordé aux tribunaux des pouvoirs inhabituels leur permettant de modifier les peines déterminées par les tribunaux chargés de rendre des décisions. C'est quelque chose qui est réservé aux cours d'appel et aux autorités investies du pouvoir de clémence.
(1530)
L'article 745 a eu l'effet très inhabituel de donner aux tribunaux le pouvoir d'accorder la clémence. Ce pouvoir appartient de plein droit à certains organismes précis. Le pouvoir d'accorder la clémence à une personne déjà condamnée qui a reçu sa sentence appartient à la Commission nationale des libérations conditionnelles, à l'État, au souverain, et la prérogative royale qui permet au Gouverneur général d'accorder la clémence n'est exercée que sur l'avis d'un ministre compétent, c'est-à-dire sur le conseil du Cabinet.
Le projet de loi C-45 accordera ces pouvoirs aux juges en chef, ce qui diminuera les pouvoirs du Parlement de donner suite aux voeux de la population. Par contre, les pouvoirs des juges en chef seront augmentés. Comme nous le savons, selon la Constitution, ces pouvoirs n'ont pas été donnés aux juges en chef ou aux tribunaux parce que ce sont des pouvoirs politiques. Ce sont des pouvoirs exercés par les représentants de la société.
L'imposition des peines est du ressort des tribunaux, mais la réduction des peines, leur modification et la clémence sont du ressort du corps politique, c'est-à-dire des ministres responsables. Ces mesures sont prises par le Cabinet, qui doit rendre des comptes au Parlement. Ces questions devraient être du ressort de personnes qui rendent des comptes à la population. Il ne convient pas que le pouvoir de clémence de Sa Majesté soit exercé par les tribunaux ou les juges; il doit l'être par l'exécutif. Il s'agit là d'un pouvoir exécutif.
Honorables sénateurs, le projet de loi d'Albina Guarnieri sur les peines consécutives repose sur les fondements érigés par le gouvernement à l'article 745 qui autorise les juges à déterminer la durée du temps d'épreuve. Dans le cas des auteurs de meurtres multiples qui sont foncièrement malins, le projet de loi C-247 précise que, lorsque le contrevenant est reconnu coupable d'autres meurtres, les juges peuvent prolonger la période pendant laquelle le contrevenant est inadmissible à la libération conditionnelle en lui ordonnant de purger un temps d'épreuve supplémentaire qui ne peut toutefois pas dépasser 25 ans. Autrement dit, le temps d'épreuve ne peut dépasser 50 ans. L'article 745 est une solution politique adoptée en 1976 pour respecter un compromis atteint en 1976. Nous avons besoin de nouvelles solutions et l'absence de nouvelles solutions dans les cas de psychopathies virulentes ne fera que miner la confiance de la population dans le système et que renforcer les revendications des Canadiens qui souhaitent le rétablissement de la peine de mort. Le projet de loi C-247 est un compromis de l'an 2000, qui découle des pratiques courantes, des lacunes de l'article 745 et des peines généralement imposées aux contrevenants foncièrement malins.
Honorables sénateurs, dans les cas de psychopathies et de psychopathologies meurtrières, la réalité, c'est que les psychopathes et les sociopathes sont plus sournois, plus rusés et plus ingénieux que les autorités. Il est difficile d'appréhender les contrevenants foncièrement malins et de prouver leur culpabilité. Ces contrevenants savent profiter des lacunes du système juridique. Les détenus Olson et Homolka nous en donnent des exemples frappants. Le fait que la prisonnière Homolka puisse poursuivre le gouvernement devant les tribunaux illustre à merveille mes propos.
Honorables sénateurs, il est impérieux de soumettre à l'examen du Parlement notre système de justice pénale, ses mécanismes de poursuite, les transactions en matière pénale, les modalités de détermination de la peine et de libération conditionnelle. Lors de l'audience que le détenu Olson a demandée en vertu de l'article 745, j'ai été témoin de cette vaste farce que constitue notre système de justice. Le juge qui présidait l'audience présidait une audience politique. Cette audience était bel et bien politique, elle n'avait pas un caractère juridique. Le juge, le jury et tout le monde présent dans cette salle le savaient. Nous portons grandement préjudice à l'indépendance des juges et du pouvoir judiciaire en engageant les juges de cette manière. Je suis certaine que la majorité des Canadiens pourraient imaginer sans sourciller le détenu Olson éviscéré, écartelé, mis au pilori et décapité, car les crimes qu'il a commis étaient et sont encore extrêmement répugnants pour les êtres humains que nous sommes, mais nous ne croyons pas à la peine capitale. Voilà pourquoi nous tenons ce débat aujourd'hui. Le détenu Olson a coûté à notre pays des milliards de dollars avec ses nombreuses fantaisies judiciaires, ses poursuites en justice et ses prétendues batailles juridiques, y compris l'audience qu'il a demandée en vertu de l'article 745. Tout ce que sa notoriété a eu de bon, c'est qu'elle a permis de le garder incarcéré. Je puis vous dire que personne ne le libérera. Karla Homolka est son équivalent le plus naturel.
Honorables sénateurs, j'ai fait partie de la Commission nationale des libérations conditionnelles. J'ai étudié bien des dossiers, des rapports d'autopsie, des rapports de police, des jugements et des déclarations de juge au moment de la détermination de la peine. J'ai interrogé de nombreux détenus et autorisé ou suspendu bien des libérations conditionnelles. J'ai appris qu'il est très rare de trouver chez les contrevenants une pulsion meurtrière qui est assortie d'instincts prédateurs et qui se manifeste par leur goût pour la tromperie, mais que c'est toutefois plus fréquent qu'on le pense ou qu'on veut bien l'admettre. La capacité de ces prédateurs de choisir leurs victimes en exploitant leur vulnérabilité est diabolique. On parle peu dans les deux Chambres du Parlement des cas de paraphilie et de psychopathie, des psychopathes, des sociopathes et des troubles de comportement. Il faut discuter des troubles de pulsions meurtrières érotiques des Homolka et des Olson et de leurs conséquences sur le système de justice. La plupart d'entre nous ne pouvons comprendre leur manque de compassion humaine, leurs tromperies orchestrées, leurs désirs sexuels déséquilibrés, leurs agressions, leur narcissisme absolu et leurs extravagances dépravées. Il faut que nous étudiions leur capacité de manipuler avec succès les gens et les systèmes, notamment les systèmes démocratiques, et leur aptitude à miser sur l'incrédulité et la naïveté des gens. Dans son ouvrage intitulé: On Sexuality: Three Essays on the Theory of Sexuality and Other Works, volume 7, le docteur Sigmund Freud a écrit sur les troubles liés aux pulsions sexuelles. À la page 111 de l'édition de 1979 de la maison Penguin, il explique ceci:
L'absence de la barrière de la pitié s'accompagne du risque que le lien entre les instincts cruels et les instincts érogènes ainsi établi dans l'enfance se révèle impossible à briser à l'âge adulte.
Nous parlons ici de déviants sexuels malveillants. Il s'agit de punir des crimes suscités par des pulsions érogènes cruelles, incorrigibles et meurtrières.
Honorables sénateurs, l'exercice du pouvoir souverain dans le châtiment d'un crime est un des aspects essentiels de l'administration de la justice. Dans son chef-d'oeuvre intitulé: Surveiller et punir: naissance de la prison, le spécialiste français du châtiment, Michel Foucault, parle des droits et des pouvoirs du souverain en justice, du châtiment et de la prérogative royale dont découlent toutes les poursuites, tous les procès et toutes les condamnations. On peut lire ceci à la page 48:
Le droit de punir est donc un aspect du droit du souverain de faire la guerre à ses ennemis; le droit de punir relève du «droit absolu de vie et de mort que le droit romain appelle merum imperium, droit en vertu duquel le prince veille à ce que sa loi soit respectée en ordonnant que les crimes soient punis... Mais le châtiment est aussi un moyen d'obtenir justice au plan tant personnel que public, puisque la force physico-politique du souverain est présente en un sens dans la loi...»
Je dis bien «obtenir justice», honorables sénateurs. Dans notre système, on parle de prérogative royale en justice. La présence de la reine dans la loi, que révèle une expression comme la Reine contre Homolka, prouve clairement le droit de chaque citoyen d'obtenir que la reine, la source de la justice, leur fasse justice. Elle prouve le droit d'obtenir justice de l'accusateur, soit la reine, et des victimes, dans ce cas-ci les petites Leslie Mahaffy et Kristen French, qui n'étaient que des enfants. Debra Mahaffy, M. Mahaffy, M. et Mme French, Darlene Boyd et d'innombrables autres personnes ont droit à la justice de la reine, au nom de laquelle toute poursuite et tout procès sont entamés et toute clémence est accordée, comme dans le cas d'une libération conditionnelle ou d'une remise de peine. Le châtiment des crimes et les peines imposées reposent sur les principes que sont la dissuasion, la neutralisation, la réadaptation et le châtiment. Le châtiment, à la différence de la vengeance, est la conséquence juste de l'atteinte par le délinquant à la paix de la Reine et aux sujets de la Reine, soit, dans le cas qui nous occupe, tous les enfants. Le châtiment peut toujours être tempéré par la clémence de la Reine.
(1540)
Honorables sénateurs, la nécessité d'une réforme de la justice pénale saute aux yeux. Le juge MacKeigan, de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, présente un plaidoyer des plus solides en faveur de l'imposition de peines consécutives. À la page 443 de son jugement de 1975 dans l'affaire R. c. Muise, il écrit:
Ce principe, auquel j'adhère en dépit de l'argument très sensé de l'avocat de Muise, découle de ma propre conviction qui veut que la loi, en conférant au juge le pouvoir de condamner une personne trouvée coupable d'une infraction à une peine d'emprisonnement, voire en l'obligeant à le faire, ne devrait pas être interprété comme étant l'obligation faite au juge de rendre une peine d'emprisonnement pour une deuxième infraction concomitante avec la peine imposée par lui ou un autre juge pour une autre infraction. En infligeant une peine dite concurrente à un délinquant, on ne le punit pas du tout parce qu'il n'est pas tenu de purger un seul jour d'emprisonnement; nul ne peut passer le même jour en prison deux fois, pas plus qu'il ne peut être pendu deux fois. En infligeant une peine concurrente, un juge ne remplit donc pas son devoir, à moins de pouvoir trouver, dans le Code ou le droit pénal en général, le pouvoir de le faire.
Je prie tous les honorables sénateurs d'accorder au projet de loi C-247 toute l'attention voulue. Mon expérience de l'univers et mon cheminement de carrière diffèrent de ceux des autres. Toutefois, on perçoit la vie de façon fort différente lorsqu'on a étudié des causes du genre et de la qualité de celles sur lesquelles je me suis penchée. Je veux que l'on comprenne bien qu'il est ici question de tueurs en série malveillants. Il ne s'agit pas de pauvres jeunes hommes qui, sous le coup d'un accrochage avec leurs parents qui les met en colère, se retrouvent mêlés à un vol à main armée. Il n'est pas ici question du délinquant juvénile traditionnel. Ce sont des gens qui décident très froidement de tuer quelqu'un et qui le font de plein gré avec préméditation et cruauté. Il est manifestement temps que le système et que le Sénat reconnaissent que la psychopathie existe.
L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je désire poser une question au sujet de cette présentation rédigée avec soin et concernant un projet de loi très litigieux et difficile. Il ne conviendrait pas que je dise dans ce contexte que le sénateur Cools aurait pu agir en solo, elle aurait pu le faire, mais je tiens effectivement à dire que c'est une question très difficile.
Le sénateur Cools est une personne qui connaît très bien ce domaine. Peut-être pourrait-elle nous expliquer, avant que nous ne prenions notre décision, si un juge ou une commission des libérations conditionnelles est en mesure ou non de prendre une telle décision au sujet de l'auteur de crimes odieux dans les cas où les mesures prévues ne sont vraiment pas assez sévères? N'existe-t-il pas en pareil cas des façons d'éviter d'avoir recours à l'article 745?
Le sénateur Cools: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. C'est le dilemme que pose l'article 745 du Code criminel du Canada. Autant que je sache, la majorité des sénateurs sont des abolitionnistes convaincus qui ne souhaitent absolument pas que l'on réinstaure un jour la peine capitale.
Au moment de l'adoption de l'article 745, il n'avait pas été prévu que chaque meurtrier reconnu coupable de meurtre au premier degré se prévaudrait de cette disposition. En réalité, on en est venu à invoquer cette disposition de façon très routinière, et c'est là que réside le problème.
La situation à ce sujet est très claire. Dans le projet de loi C-45, le gouvernement et M. Rock, le ministre de la Justice de l'époque, ont apporté des modifications à l'article 745 en vue de fixer certaines limites. Le projet de loi C-247 mentionne que tous ces changements ont été insuffisants et que d'autres mesures s'imposent.
Je sais que beaucoup de sénateurs veulent intervenir dans le débat sur le projet de loi. Dans ma conclusion au débat de deuxième lecture, j'ai l'intention de présenter l'historique des sanctions et des libérations conditionnelles. Je ferai au Sénat un exposé sur l'évolution de la jurisprudence au cours des 20 dernières années et j'expliquerai comment elle a conduit à la situation actuelle dans la détermination de la peine.
L'honorable sénateur Finestone a frappé en plein dans le mille. Le sujet exige que l'on s'en occupe. J'espère que certaines questions surgiront au cours du débat.
Pourquoi les juges n'imposent-ils pas des peines consécutives, comme ils le peuvent? Nous pouvons prendre l'exemple de M. Olson parce qu'il est plus facile de comprendre à partir d'un sujet bien connu.
Le sénateur Finestone: C'est un cas très inhabituel.
Le sénateur Cools: Je dirai que tous les meurtres sont inhabituels. Si l'argument de l'exception prévalait, nous n'aurions pas besoin de lois contre le meurtre parce que les meurtres sont inhabituels. S'ils ne l'étaient pas, l'espèce humaine n'existerait plus. C'est très vrai.
J'ai une quantité impressionnante de documents sur ce genre d'individus. Ce qui n'est pas si inhabituel chez les meurtriers, ce sont les récidivistes. La récidive n'est pas inhabituelle parmi cette catégorie d'individus que nous appelons les meurtriers multiples.
Certaines personnes, y compris Albina Guarnieri, croient qu'il est nécessaire de codifier la common law. En bref, ces 20 dernières années, la jurisprudence a évolué dans un sens qui fait que, aujourd'hui, les juges ne sont pas incités à imposer des peines consécutives. Si on pouvait revenir à l'époque de 1980 et refaire le procès de M. Olson, peut-être sa sentence serait-elle complètement différente de sa condamnation à 11 peines concurrentes d'emprisonnement à vie et la jurisprudence serait tout autre.
Nous ne devons pas oublier qu'un être humain n'a qu'une seule vie à vivre. C'est tout à fait vrai. Par exemple, aux États-Unis, les tribunaux imposent des peines de 200 ou 300 ans. Cela ne se fait pas au Canada. Dans l'histoire de la peine capitale, on trouve des criminels exécutés plusieurs fois.
(1550)
Ainsi, une personne pouvait être condamnée à être décapitée pour un crime, ce qui était généralement le sort réservé aux aristocrates. Elle pouvait être condamnée à mourir écartelée, mutilée ou brûlée dans de l'huile. Il y avait de nombreuses façons de tuer plusieurs fois la même personne. À la fin des années 1790, lorsque M. J. I. Guillotin a inventé la guillotine, aussi barbare que cela puisse nous paraître de nos jours, cela était considéré à l'époque comme un progrès fantastique comme moyen de punir les criminels.
On considérait à l'époque que tous les êtres humains n'avaient qu'une vie à perdre et qu'ils ne devraient mourir qu'une seule fois. Lorsque M. Guillotin a présenté sa réforme, il a déclaré qu'un être humain devrait mourir seulement une fois et que sa mort devait être rapide.
J'espère avoir aidé quelque peu mon honorable collègue.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Dans son discours, madame le sénateur Cools a-t-elle déclaré que M. Olson ne sera jamais libre?
Le sénateur Cools: Oui, j'ai dit quelque chose du genre.
Le sénateur Nolin: Si cet homme va demeurer en prison pour le reste de sa vie, pourrait-elle nous expliquer pourquoi la primauté du droit va permettre à cet individu de demeurer en prison pour le restant de sa vie?
Le sénateur Cools: Ce n'est pas une question de primauté du droit. M. Olson a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité et les tribunaux peuvent prévoir le réexamen après 15 ans de son admissibilité à une libération conditionnelle.
Lorsque j'ai déclaré que M. Olson ne serait jamais libre, je n'aurais peut-être pas dû utiliser le mot «jamais». J'aurais dû dire qu'à ce stade-ci, tout le système et toutes les personnes travaillant dans le système avec M. Olson savent très bien l'horreur que M. Olson inspire à toute la population. Je dis aux honorables sénateurs que ce sentiment public très fort est un facteur contraignant. Cela est apparu clairement cette journée-là à l'audience qui a eu lieu à Surrey, en Colombie-Britannique.
Je suis ici pour dire aux honorables sénateurs, et au sénateur Nolin en particulier, que si le public cessait un instant de suivre le dossier Olson, il se pourrait bien que cet homme réussisse, d'une façon ou d'une autre, à obtenir sa mise en liberté. Des détenus dont j'ai entendu dire qu'ils tueraient une fois sortis de prison, j'en ai vu un grand nombre. Quand je dis que je les ai entendus dire ces choses, je veux dire qu'il était fait mention dans les rapports de leur intention de tuer à leur sortie de prison. Je dis à l'honorable sénateur que, s'il se trouve un jour face à face avec certains de ces individus, comme cela m'est arrivé dans le système carcéral, il va avoir peur.
Lorsque nous étudiions le projet de loi C-45, nous avions une liste de détenus désireux de se prévaloir de l'article 745 du Code criminel, dont certains que j'avais vus moi-même quand je siégeais à la Commission nationale des libérations conditionnelles. En regardant la liste, je me suis rappelé en particulier du nom d'un détenu qui avait dit à qui voulait l'entendre qu'il sortirait et tuerait à nouveau.
Le sénateur Nolin: Soyons clairs.
[Français]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la période de temps prévue pour les discours et les questions est terminée. Plaît-il aux honorables sénateurs de prolonger cette période?
Des voix: D'accord.
[Traduction]
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, ne nous méprenons pas. Si la Commission des libérations conditionnelles a le pouvoir de prendre une décision, c'est parce que la loi lui confère ce pouvoir. Quand je parle de la primauté du droit, c'est exactement de cela que je parle.
Je suis choqué d'entendre que le sénateur Cools, un ancien membre de la Commission, avait le droit de prendre une telle décision en tant que commissaire. Elle nous dit maintenant qu'elle était convaincue, à l'époque, que certains des individus qui comparaissaient devant elle étaient de futurs criminels, mais qu'elle n'a rien fait.
Le sénateur Cools: Nous avons pris des mesures.
Le sénateur Nolin: Se trouvent-ils encore en prison?
Le sénateur Cools: Dans ce cas particulier, j'ai révoqué le régime de liberté surveillée dont il bénéficiait. Il est retourné en prison. Je parle de nombreuses années plus tard.
Le sénateur Nolin: Vous prouvez ce que je soutiens.
La loi, au Canada, donne tout le pouvoir à la commission et aux différents ministres de la Justice des provinces.
[Français]
Je ne pense pas que l'on puisse réhabiliter un tel individu.
[Traduction]
Ce que je dis, c'est que les lois actuelles peuvent régler ces problèmes pour peu qu'elles soient appliquées correctement, n'est-ce pas? Voilà ma question. Oui ou non?
Le sénateur Cools: Je dirai non. Les lois et leur application laissent à désirer et ne peuvent suffire.
Le sénateur Nolin: Si cela ne suffit pas, madame le sénateur pense-t-elle que deux ou trois peines consécutives sont une solution?
Le sénateur Cools: Ce que je dis au sénateur, et il me comprend sans doute très bien, c'est que quatre principes doivent régir la détermination de la peine, et n'importe quel juge ou jury doit tenir compte de ces quatre principes les uns après les autres.
L'un de ces principes est la neutralisation, c'est-à-dire qu'il faut empêcher le délinquant de commettre un autre crime. Ce que je dis au sénateur - bien qu'il répugne à l'admettre, mais je vais faire de mon mieux pour le persuader, mais il faut admettre que ce sera difficile - c'est qu'il y a quelque chose à corriger.
Honorables sénateurs, j'ai sous les yeux un article de journal qui m'a été remis il y a quelques jours. Il y est question d'un détenu appelé Adrian Kinkead, dont je n'avais jamais entendu parler. Je peux passer cette coupure au sénateur. Cet individu a été libéré et, entre deux peines, il a tué.
Je ne connais pas tous les détails et je ne suis pas très bien placée, car je n'ai pas pris connaissance de la cause. Je tire mon information de ce seul article. Dans ce cas-ci, le procureur du ministère public a demandé au juge de réserver son jugement jusqu'à l'adoption de ce projet de loi.
Qu'il s'agisse de ce cas-ci ou d'un autre, je dis au sénateur Nolin que, dans notre évolution politique, nous en sommes rendus à un stade où le Parlement doit accorder une certaine attention à ces questions. Je ne prétends pas amener le sénateur à changer d'avis aujourd'hui, mais je voudrais le persuader d'étudier la question avec soin.
Le sénateur Nolin: Le sénateur nous demande de nous prononcer sur un changement de principe à la deuxième lecture.
Le sénateur Cools: Il n'y a pas de changement de principe.
Le sénateur Nolin: C'est ce que le sénateur demande. Expliquez-vous car jusqu'ici, vous ne l'avez pas fait.
Le sénateur Cools: Il n'y a pas de changement.
Le sénateur Nolin: Dans la dernière réponse que madame le sénateur a faite, elle a fait référence aux quatre principes. Je pense qu'il serait bon de faire savoir ou de rappeler à aux honorables sénateurs qu'il y a seulement quelques décennies, nous fouettions encore les violeurs au Canada.
Le sénateur Cools: Certes, nous avions l'habitude de les exécuter.
Le sénateur Nolin: Pourquoi avons-nous changé cette coutume? À propos, nous n'appelons plus ces gens-là des «violeurs».
Le sénateur Finestone: Comment les appelez-vous maintenant?
Le sénateur Nolin: Je crois qu'on les appelle des «agresseurs sexuels».
Nous avons évolué. La peine ne se réduit pas seulement à la punition.
Le sénateur Cools: C'est un mauvais exemple, mais ça va.
Le sénateur Nolin: Laissez-moi finir de poser ma question, je vous prie. J'ai laissé l'honorable sénateur finir son discours.
Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement de punir. La détermination de la peine se fonde sur certains principes et madame le sénateur doit expliquer à cette Chambre, avant que nous ne nous prononcions à l'étape de la deuxième lecture, quel principe elle désire voir changer, pourquoi elle veut qu'il soit changé, et en quoi ce changement affectera-t-il les autres principes. Si elle arrive à me convaincre, je serai heureux de l'appuyer. Je ne crois pas que le sénateur se soit vraiment expliqué jusqu'ici, du moins d'après ce que j'ai entendu. Peut-être devrions-nous renvoyer le projet de loi à un comité avant de nous prononcer à l'étape de la deuxième lecture, car il y a là pas mal de principes en jeu.
L'honorable sénateur a fait remarquer qu'il y avait consensus pour ne pas rétablir la peine de mort. Pourquoi? Il doit bien y avoir des raisons. Il conviendrait peut-être d'examiner ces raisons. Je vous en prie, ne doutez pas de mes motifs.
Le sénateur Cools: Je ne doute pas des motifs du sénateur. J'ai dit que j'aurais aimé le voir s'intéresser tout autant au projet de loi C-45, par exemple. Assurément, le projet de loi C-247 repose en particulier - et le comité est invité à entendre des témoins comme les professeurs Manfredi et Knopff - sur les quatre principes de la détermination de la peine. La mesure législative tend à appliquer de façon plus rationnelle le principe de la proportionnalité, celui qui veut que la peine soit proportionnelle à l'infraction commise.
J'ai un peu de mal à comprendre comment l'honorable sénateur peut prétendre que le projet de loi n'est pas conforme aux principes de la détermination de la peine et je lui explique pourquoi. Ce projet de loi a déjà été adopté à la Chambre des communes et, dans le cadre de son adoption, j'imagine que de nombreuses personnes l'ont étudié. Ce projet de loi d'initiative parlementaire n'est pas nouveau. Cela fait quatre ans qu'il est étudié et examiné par la Chambre des communes.
Je précise à l'honorable sénateur que le projet de loi respecte et confirme le principe de la dissuasion, le principe de la réadaptation, le principe de la neutralisation et le principe de la proportionnalité. Ce sont là les quatre principes de la détermination de la peine. Le projet de loi est parfaitement conforme à ces principes. De plus, sur les plans politique et juridique, il repose sur les fondements créés par le gouvernement. C'est le gouvernement qui a créé l'article 745 qui permet aux juges, ce qui ne s'était jamais vu, d'établir le temps d'épreuve. C'est sur cet article que se fonde le projet de loi. Celui-ci est conforme non seulement aux principes de la détermination de la peine, mais également aux politiques qui ont été adoptées par le gouvernement ces dernières années et qui prennent la forme de mesures-législatives comme le projet de loi C-45, sa version actuelle ainsi que l'inclusion du nouvel article 745 au Code criminel.
Le sénateur Nolin: Je suis sûr que dans son étude de cette question, l'honorable sénateur sait que l'un des principes en jeu est la Charte des droits et libertés.
Le sénateur Cools: Le sénateur peut avoir l'assurance que j'ai analysé à peu près toutes les questions qu'il pourrait mentionner. Qu'il me fasse confiance. J'ai examiné la Charte.
Le sénateur Nolin: Pour mette les choses au clair, dans le cas d'un contrevenant qui se voit imposer deux peines, est-ce que l'emprisonnement à vie correspondrait à une peine minimale de 50 ans?
Le sénateur Cools: Ce n'est pas du tout ce que propose la mesure. Peut-être le sénateur ne comprend-t-il pas le projet de loi.
Le sénateur Nolin: Quel serait le minimum d'une peine d'emprisonnement à vie?
Le sénateur Cools: Le minimum reste le même pour le moment dans la loi. La sanction prévue par la loi est reprise dans ce projet de loi.
Le sénateur ne l'a peut-être pas compris, mais puis-je espérer l'en persuader? Le projet de loi permet au juge, dans le cas du prononcé de peines multiples pour meurtre, de repousser d'une journée ou d'une année supplémentaires la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Ainsi, si une personne est jugée, inculpée et condamnée à des peines multiples pour meurtre au premier ou au deuxième degré, le juge peut décider d'une peine de 10 ans par exemple pour le premier meurtre puis ajouter deux ou trois ans d'emprisonnement avant que la personne puisse être admissible à la liberté conditionnelle.
L'honorable sénateur semble croire que le projet de loi se contente d'ajouter 25 ans à la peine à purger. Non. Le projet de loi limite simplement la marge de manoeuvre du magistrat. Par conséquent, en vertu de ce projet de loi, le juge peut ajouter à la sentence une année, ou deux, ou trois, ou plus, jusqu'à concurrence d'un maximum de 25 ans.
J'espère que le sénateur comprend à présent.
Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur doit donner une explication claire aux honorables sénateurs. Il est ici question de peines d'emprisonnement à perpétuité et non de peines de un, deux, cinq ou voire sept ans. S'il est prouvé qu'un individu a tué trois personnes à des occasions distinctes et dans des contextes différents, trois peines d'emprisonnement à perpétuité lui seront imposées. Il n'est pas question ici d'un an, de deux ans et de trois ans.
Le sénateur Cools: Oui, c'est ce dont il est question.
Le sénateur Nolin: Madame le sénateur aurait-elle l'obligeance de m'expliquer cela?
Le sénateur Cools: Je suis heureuse de fournir une explication à l'honorable sénateur. En d'autres mots, comme je l'ai dit auparavant, Albina Guarnieri s'est appuyée sur le fondement législatif créé par l'article 745, qui autorise le juge à repousser la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. C'est le régime actuel.
Le projet de loi permettra au juge, dans le cadre d'une autre peine, d'ajouter deux ans ou cinq ans à la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cet aspect du projet de loi est fort astucieux car il s'inspire exactement du raisonnement qui a mené à l'élaboration de l'article 745 et aux amendements à l'article 745 dans le projet de loi C-45. Le raisonnement est exactement le même.
Le sénateur Nolin: Quel serait le maximum?
Le sénateur Cools: Je viens de le dire à l'honorable sénateur, qui cherche peut-être à déterminer si je sais exactement de quoi je parle. Le projet de loi autorise un juge, selon son bon vouloir, à repousser la date d'admissibilité à la libération conditionnelle en fonction des détails du crime et des circonstances personnelles du détenu. Le projet de loi précise cependant que le pouvoir supplémentaire qui est accordé au juge de repousser la date d'inadmissibilité à la libération conditionnelle est plafonné à 25 années supplémentaires. C'est la limite.
Le sénateur Nolin: C'est 25 années supplémentaires.
Le sénateur Cools: Ce n'est pas 25 années supplémentaires. C'est un total supplémentaire de 25 années.
Le sénateur Nolin: C'est ce que vous venez de dire.
Le sénateur Cools: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit un prolongement de la peine pour chaque chef d'inculpation, prolongement à purger jusqu'à la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. En d'autres mots, la peine d'emprisonnement à perpétuité demeure. Le détenu purge toujours une peine d'emprisonnement à perpétuité. C'est la date d'admissibilité à la libération conditionnelle qui est reportée. Le détenu doit toujours purger sa peine d'emprisonnement à perpétuité. Par conséquent, les pouvoirs exacts qui ont été conférés au juge à l'article 745 sont les mêmes que ceux que propose le projet de loi C-247, sauf qu'il s'agit d'une version élargie par rapport à la version de l'article 745.
(1610)
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, avant d'ajourner le débat au nom de l'un de mes collègues, j'aimerais revenir sur le discours très intéressant et très important que le sénateur Cools a prononcé cet après-midi et qui soulève plusieurs questions. Je dois avouer que sa citation de Sigmund Freud expliquant ce qu'est un trouble sociopathique de la personnalité a retenu mon attention.
Je suis sûr que les adeptes de la psychanalyse, qui a été créée par Sigmund Freud, se font leur propre idée des raisons qui expliquent pourquoi les personnes se comportent comme elles le font, surtout dans la population visée par cette mesure législative. Il serait toutefois négligent de notre part de ne pas souligner qu'il existe de nombreuses autres théories sur la personnalité. Je pense, par exemple, que l'école de psychologie d'Alfred Adler présente une image beaucoup plus positive de la personnalité humaine, et que même l'école de psychanalyse de Carl Gustav Jung présente une image beaucoup moins noire de la personnalité humaine, y compris dans le cas de ceux qui pourraient être diagnostiqués comme souffrant de troubles sociopathiques de la personnalité.
Il y a également une école de psychologie, clinique et sociale, qui considère que la personnalité humaine est malléable et susceptible d'être corrigée et développée sur le plan social.
Ce que je veux ajouter à ce débat, c'est que, selon les psychologues appartenant à diverses autres écoles, les êtres humains peuvent être réadaptés et changer radicalement de comportement. Je ne voudrais pas qu'on reste sur une impression pessimiste, qui vient, je pense, de la théorie échafaudée par Sigmund Freud.
Cela dit, honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Di Nino.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)
Le Comité de sélection
Étude du troisième rapport-Retrait de l'article
L'ordre du jour appelle:Étude du troisième rapport du Comité de sélection (poste de Président à titre temporaire), présenté au Sénat le 2 novembre 1999.-(L'honorable sénateur Mercier).
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, étant donné que le Sénat est maintenant saisi du cinquième rapport du Comité de sélection, ce troisième rapport n'a plus sa place dans nos travaux. Je demande donc qu'il soit retiré de l'ordre du jour.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, à savoir que cet article soit retiré de l'ordre du jour?
Des voix: D'accord.
(L'article est retiré.)
Affaires juridiques et constitutionnelles
Motion demandant l'autorisation d'utiliser les documents et témoignages recueillis lors de l'examen du projet de loi précédent pour l'étude du projet de loi S-6-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Di Nino:
Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel et à d'autres sujets connexes, lors de la première session de la trente-sixième législature, soient renvoyés au Comité, lorsqu'il aura été constitué, pour la présente étude du projet de loi S-6.-(L'honorable sénateur Cools).
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le point en question concerne le recours au Règlement du sénateur Kinsella au sujet du libellé de cette motion.
Je me suis déjà prononcé là-dessus. Le sénateur Kinsella voudra peut-être ajouter quelque chose. Il s'agit d'une demande de clarification sur l'à-propos de cette motion, notamment le renvoi des documents déjà reçus et des témoignages déjà entendu par le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Je cède maintenant la parole au sénateur Cools.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, comme j'ai été debout durant toute l'heure qui vient de s'écouler, j'aimerais, si c'est possible, que cette affaire soit reportée à demain.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous ne nous opposerions pas à l'ajournement de la motion du sénateur Oliver. Cependant, cela nous aiderait si on pouvait régler le rappel au Règlement que j'ai fait parce que nous sommes maintenant saisis d'une motion présentée par les sénateurs de ce côté-ci et d'un avis de motion présenté par les sénateurs d'en face. Je crois comprendre que le sénateur Cools a beaucoup travaillé à autre chose cet après-midi et que Son Honneur doit s'absenter plus tard. Toutefois, il se peut qu'à d'autres occasions, les sénateurs veuillent que des témoignages précédents soient renvoyés à un comité. Puisqu'il y a deux écoles de pensée sur la question, je crois que nous devrions régler cela aujourd'hui, avant que Son Honneur ne quitte le Sénat.
À la page 90 des Débats du Sénat du 3 novembre 1999, le sénateur Oliver signale l'existence de précédents. Il déclare que la formulation exacte de sa motion figure dans une motion concernant le comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Cet après-midi, le rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères concernant son étude sur l'Europe nous a été distribué. À la deuxième page du rapport, l'ordre de renvoi est reproduit. Dans cet ordre de renvoi, on trouve exactement la même formulation, à savoir que les documents reçus et les témoignages entendus sur le sujet, ainsi que les travaux effectués par le comité sénatorial permanent des affaires étrangères au cours de la première session de la 36e législature devraient être renvoyés au comité.
Nous sommes d'avis que nous devrions continuer de régler ces questions comme nous l'avons fait par le passé.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je vais répondre pour ne pas perdre la chance de dire quelques mots sur ce rappel au Règlement.
J'aimerais préciser dès le départ que la question qui nous occupe ne concerne pas uniquement le renvoi au comité. Il s'agit plutôt de la réponse convenable du Parlement à une prorogation. Le Parlement a clos la session il y a quelques mois et il a maintenant repris ses activités. Pour bien comprendre cette question, il faut se pencher sur la question des délibérations de comités qui n'étaient pas terminées au moment de la prorogation.
À mon avis, le projet de loi C-7 est complètement différent du projet de loi S-17.
(1620)
Nous ne devons pas oublier que, lorsqu'un projet de loi est renvoyé à un comité, dans le cas présent le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, c'est exactement là où il se trouve. Il est bloqué là. Il a été laissé au comité. Au moment de la prorogation, tout ce qui se trouve là disparaît.
Il faut alors se demander comment le Sénat peut renvoyer à un comité un dossier dont il n'a jamais pris connaissance. Lorsqu'un comité reçoit un dossier du Sénat, il doit obéir à la demande en étudiant le projet de loi. C'est le rapport du comité qui fait foi du respect de la demande qui lui a été faite.
J'ai justement en mains une citation, sénateur Kinsella. On parle d'un projet de loi qui a été renvoyé.
Le commentaire 874 de Beauchesne, sixième édition, précise clairement que:
Le comité qui n'a pas terminé son enquête à la fin d'une session peut faire rapport à la Chambre de ce fait, ainsi que des témoignages qu'il a entendus.
Le rapport établit que des témoignages ont été entendus.
Dans le cas du projet de loi C-7, qui était proposé par le gouvernement avec l'appui de toute la machine gouvernementale et l'entière autorisation du caucus d'un parti représenté au Sénat, la procédure à suivre exigeait donc que le président du comité se lève au Sénat et présente un rapport indiquant que l'étude du projet de loi était incomplète et que le comité souhaitait préciser la position qu'il défendrait plus tard, puisque les gouvernements ressuscitent tous les dossiers importants dont ils sont saisis.Il peut en outre recommander qu'à la session suivante la Chambre lui confie le même dossier et qu'il puisse se servir de la preuve recueillie jusque-là.
Passons simplement du paragraphe 874 au paragraphe 875, qui prescrit ce qui suit:
À moins que la Chambre ne l'autorise à en tenir compte, un comité ne peut faire rapport des témoignages rendus devant un comité semblable lors d'une session antérieure, sauf sous forme d'appendice.
Les termes performatifs ici sont «à en tenir compte». Autrement dit, dans le cas du sénateur Milne, qui présidait le comité et qui ne ménage pas ses efforts, le gouvernement a intérêt à revoir les témoignages déjà présentés devant le comité et à pouvoir accélérer les travaux du comité. Le sénateur Milne et les membres de son comité voudraient faire rapport des témoignages pendant la session en cours.
Il faut aussi penser que, en général, un comité peut toujours étudier et utiliser les documents et les travaux d'un autre comité, voire ses propres travaux et témoignages. Dans ce cas-ci, le comité des affaires juridiques veut faire rapport des témoignages entendus. D'après moi, c'est qu'il a l'intention de demander l'autorisation du Sénat, conformément à ce que prescrit clairement Beauchesne. La question qu'il faut poser est la suivante: l'autorisation de faire quoi?
Comme le Sénat n'a jamais reçu de rapport du comité sur ni l'un ni l'autre de ces projets de loi, il n'a aucune connaissance de l'étude de ces deux projets de loi. Par conséquent, nous n'avons pas besoin, au cours de la présente session, d'un ordre de renvoi du Sénat pour renvoyer les témoignages au comité, car le Sénat ne les ayant pas en sa possession, il ne peut les renvoyer. Ce qu'il faut, c'est que le Sénat adresse une directive en bonne et due forme au comité pour lui demander, lorsqu'il étudiera ce nouveau projet de loi, d'examiner les témoignages qu'il a reçus au sujet de l'autre projet de loi. Ce qu'il faut, c'est un ordre du Sénat, une directive, demandant au comité d'examiner ces témoignages dans ses délibérations, et non que le Sénat renvoie des documents qu'il n'a pas en sa possession.
Honorables sénateurs, il s'agit là de deux projets de loi différents, et le projet de loi C-7 mérite d'être examiné de façon convenable et satisfaisante. Le projet de loi C-7 a été présenté de nouveau à la Chambre des communes et examiné à toute vapeur. En substance, les Communes ont émis un ordre les autorisant à l'examiner rapidement et à l'adopter après trois lectures. Par conséquent, si le sénateur Milne et son comité ainsi que le sénateur Fraser désirent étudier le projet de loi C-7 avec toute la diligence voulue, il suffit, il me semble, de se conformer à la procédure. La bonne façon de faire n'est pas de demander au Sénat de renvoyer des témoignages qu'il n'a pas, mais de demander au comité d'examiner ces témoignages dans ses délibérations. J'espère que j'ai été claire, sinon je serais heureuse de m'expliquer plus longuement.
Lorsque le sénateur Oliver a présenté cette motion, avec le consentement unanime, je me suis levée et je lui ai demandé s'il s'agissait d'une instruction au comité. Il n'avait peut-être pas lu l'article du Règlement, mais je crois que sa motion était proposée conformément au paragraphe 58(1). En réponse à ma question, il a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une instruction au comité. L'alinéa 58(1)f) se lit comme suit:
Par conséquent, la motion est essentiellement une instruction au comité.des instructions à un comité.
J'avais prévu parler plus longuement de la motion du sénateur Oliver demain et proposer un amendement qu'il aurait été facile d'apporter, à savoir, remplacer le mot «renvoyé» par «étudié». Mais c'est maintenant tout à fait théorique.
Il nous appartient, en tant que partie vitale et opérante du Parlement du Canada, de porter attention à la procédure exacte de présentation des motions. Nous sommes parfois un peu négligents, quoique le mot soit très fort. Nous accomplissons beaucoup de choses que nous pourrions faire mieux en y consacrant un tout petit effort. Le but de l'avis de motion du sénateur Fraser est essentiellement de saisir le comité de la question en procédant de façon juste et adéquate afin que le comité puisse accorder au projet de loi le genre d'examen et d'attention qu'il mérite.
(1630)
Honorables sénateurs, j'aurais probablement mieux fait si j'avais attendu à demain pour aborder ces questions, mais je ne voulais pas perdre l'occasion de le faire aujourd'hui. En fait, le comité est libre d'étudier les témoignages de tous les autres témoins. La seule chose qu'il ne peut faire, c'est ce qui est interdit par le commentaire 875; il ne peut faire rapport des témoignages rendus antérieurement sauf sous forme d'appendice. Le comité a les pouvoirs dont il a besoin. C'était simplement une exigence supplémentaire.
Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne veut prendre la parole, je suis prêt à rendre ma décision.
Décision du Président
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, lorsque cette question a été soulevée la première fois, j'ai consulté les précédents au Sénat. Je vais maintenant essayer de présenter mes explications dans un ordre logique.Tout d'abord, je veux régler la question de savoir si la motion du sénateur Oliver était recevable ou non. Le sénateur Cools a parlé du paragraphe 58(1) du Règlement, qui exige un jour d'avis. Cependant, si l'on consulte les Débats du Sénat du 3 novembre, ce qui s'est dit lorsque le sénateur Oliver a proposé la motion est clair:
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?... avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)...
Des voix: D'accord.
La motion du sénateur Oliver était donc recevable parce que la permission avait été accordée.
Deuxièmement, je veux renvoyer les honorables sénateurs à la partie I du Règlement du Sénat qui s'intitule «Interprétation» et qui prévoit ceci:
Il est clair que notre Règlement, nos usages et nos coutumes ont préséance sur les ouvrages de référence tels que le Bourinot ou le Beauchesne. Nous consultons d'abord notre Règlement, puis nous examinons nos usages et nos précédents. L'honorable sénateur Kinsella a expliqué en détail deux de nos usages et précédents. Dans le cas de la motion présentée plus tôt aujourd'hui par l'honorable sénateur Stewart, l'ordre de renvoi est clair:1. (1) Dans tous les cas non prévus au Règlement, le Sénat ou ses comités suivent, avec les adaptations nécessaires, les coutumes, usages, formalités et procédures de l'une ou l'autre des Chambres du Parlement du Canada.
Que les documents reçus et les témoignages entendus et le travail accompli par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères au cours de la première session de la trente-sixième législature soient renvoyés au Comité;
En outre, le sénateur Oliver, comme l'a précisé le sénateur Kinsella, a déclaré de nouveau le 3 novembre, à la page 90 des Débats du Sénat, que cela avait été fait à une autre occasion. Il nous renvoie aux Journaux du Sénat du 2 avril 1998, page 584, où on lit que les documents reçus et les témoignages entendus au sujet des projets de loi S-10 et S-12 ont été renvoyés au comité pour son étude du projet de loi S-14. Je peux trouver d'autres précédents si les sénateurs le demandent. Toutefois, telle est, à ma connaissance, la pratique habituelle du Sénat. On procède de cette façon afin de ne pas forcer les témoins à venir témoigner une deuxième fois sur le même sujet et de ne pas avoir à refaire toute la recherche une seconde fois sur une question qui a déjà été discutée par un comité sénatorial ou le Sénat. C'est ainsi que s'explique la pratique observée dans le passé et c'est ainsi qu'elle a évolué.
Le sénateur Cools nous a renvoyés au Beauchesne. Comme je l'ai fait remarquer, nos pratiques ont préséance sur le Beauchesne. Cependant, même si vous lisez le commentaire 874 du Beauchesne, il est bien dit que le comité «peut faire rapport à la Chambre.» À mon avis, cela n'exclut pas, alors, que le Sénat adopte une autre pratique parce qu'il n'y a rien d'obligatoire. Il n'est pas dit que si cela n'a pas été fait, on ne peut adopter une autre pratique. Notre pratique était différente. Je juge que nous pouvons étudier la motion du sénateur Oliver.
Voulez-vous que la question reste inscrite au nom du sénateur Cools?
Le sénateur Cools: Oui.
Son Honneur le Président: Elle restera donc au nom du sénateur Cools.
La Conférence sur l'égalité et la participation des femmes à la vie publique
Interpellation
L'honorable Lorna Milne, ayant donné avis le 2 novembre 1999:Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur sa participation concernant le 70e anniversaire de l'affaire «personne» dans le cadre de la Conférence sur l'égalité et la participation des femmes à la vie publique au Canada et au Royaume-Uni qui s'est tenue à Londres, en Angleterre, les 21 et 22 octobre.
- Honorables sénateurs, il y a un mois, le caucus des femmes libérales m'a demandé de le représenter à la Conférence sur l'égalité et la participation des femmes à la vie publique au Canada et au Royaume-Uni, la première d'une série qui portera sur les femmes et les frontières, les femmes et les affaires et, enfin. les femmes et les sciences. Cette série de conférences a été organisée par Debra Davis et s'est tenue à la Maison du Canada, à Trafalgar Square, pour célébrer le 70e anniversaire du jugement du comité judiciaire du Conseil privé britannique reconnaissant que les femmes sont des personnes en loi. Comme aucun sénateur canadien n'avait été convié à cette conférence ni même informé de sa tenue, j'ai convenu que je devais y aller. Après tout, nous, sénateurs des deux côtés du Sénat, bénéficions directement des énormes efforts qu'ont déployés les cinq célèbres Canadiennes, Nellie McClung, Irene Parlby, Louise McKinney, Henrietta Muir Edwards et Emily Murphy. Je me suis rendue à Londres - à mes propres frais, dois-je ajouter - représenter les parlementaires libérales du Canada à la conférence.
La conférence était divisée en plusieurs séances de travail, dont je vais mentionner quelques-unes. Nancy Ruth, dont le grand-père a été un avocat du groupe des cinq femmes célèbres, a ouvert la conférence le jeudi 21 octobre et nous a montré un aspect légèrement différent de l'histoire de l'affaire «personne». En 1929, le gouvernement travailliste de Ramsay MacDonald venait d'être élu en Grande-Bretagne. La composition du comité judiciaire du Conseil privé avait changé, et le temps était parfait pour une telle décision. Les juges ont déclaré, dans leur décision, que la Constitution était comme un arbre vivant et qu'elle devait donc évoluer avec le temps. Toutefois, au Canada, malgré la bataille qu'elle avait gagné, Emily Murphy était une conservatrice de l'Ouest et la première ouverture au Sénat était en Ontario. Lorsque le très honorable R.B. Bennett, un progressiste-conservateur, est devenu premier ministre, cela a créé une ouverture dans l'Ouest, mais Bennett a soutenu qu'il voulait nommer un catholique puisque le dernier sénateur à être nommé était un protestant. Je crois que ce n'était qu'une excuse pour ne pas nommer Emily.
La conférencière suivante a été Frances Wright, de Calgary. Elle est présidente-directrice générale de la Famous Five Foundation. Elle a elle-même réuni les fonds nécessaires, avec l'aide généreuse de cinq Canadiennes, dont une siège avec nous au Sénat, nommément le sénateur Poy, qui n'est pas ici dans le moment. Elle était parmi les généreuses donatrices qui ont contribué financièrement à l'érection de cette merveilleuse statue à Calgary. La statue a été dévoilée le 18 octobre, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la décision du Conseil privé. L'an prochain, une autre statue sera dévoilée sur la colline du Parlement, tout près d'ici, entre l'édifice de l'Est et la partie de l'édifice du Centre où est situé le Sénat.
La semaine dernière, je me suis arrêtée brièvement à Calgary après avoir assisté à la réunion générale annuelle du Parti libéral du Canada, qui s'est tenue à Edmonton, en Alberta. À Calgary, j'ai pu visiter ce nouveau monument impressionnant. M'étant assise un moment sur le fauteuil d'Emily, une femme en chemisier est sortie en courant d'un restaurant voisin. Il s'agissait de Francis Wright, qui surveillait son oeuvre.
Cherie Booth, c.r., a été la suivante à prendre la parole. C'est la femme de Tony Blair. Le Canada a réalisé un beau coup en parvenant à l'avoir comme conférencière. C'est une femme d'une vive intelligence et très douée. Sur le ton de la confidence, elle a parlé longuement de l'égalité en milieu professionnel et du défi permanent que cela représente. Elle a parlé de la situation des femmes professionnelles en Grande-Bretagne et a exprimé son avis très franchement. Certaines des statistiques publiques qu'elle a citées révèlent que les femmes sont absentes de la haute cour de justice de Grande-Bretagne et qu'elles sont très peu nombreuses à détenir le titre de conseiller de la reine, et cela en dépit du fait que 25 p. 100 des avocats inscrits au barreau de ce pays soient des femmes. Elle a déclaré:
Il s'agit du nom en anglais de Cendrillon, mais épelé à l'envers.Vous connaissez tous l'histoire d'Allerednic...
Le prince épouse une princesse et la transforme en souillon.
C'est apparemment la triste réalité pour beaucoup de femmes britanniques.
(1640)
Le deuxième groupe de discussion avait pour thème «De la périphérie au centre: Faire entendre la voix des femmes». Il était dirigé par Sandra Anstey, présidente de Anstey Associates, de Toronto. Elle a souligné que les Nations Unies avaient classé le Canada au premier rang dans le monde en ce qui concerne l'égalité des femmes.
La baronne Crawley, présidente de la Commission nationale des femmes en Grande-Bretagne, participait à cette séance. Elle a déclaré:
Le Canada a bien souvent montré la voie à suivre, en prônant courageusement l'égalité entre les sexes.
Au Royaume-Uni, le dernier gouvernement travailliste a fait élire plusieurs femmes à la Chambre des communes, mais elles représentent encore moins de 20 p. 100 des députés. Cependant, dans le nouveau Parlement écossais, sur les 139 députés, 48 sont des femmes. En Angleterre, 40 p. 100 des étudiants en droit sont actuellement des femmes, mais les échelons supérieurs de la profession du droit et de la magistrature sont un bastion d'hommes, et ils ont une incidence énorme sur la vie au Royaume-Uni.
La Commission de l'égalité des chances a 25 ans en Grande-Bretagne. Il s'agit d'un organisme législatif indépendant, qui compte 15 commissaires ayant leur bureau à Londres et à Manchester. Ils ont le pouvoir de tenir des enquêtes officielles, mais ne l'ont pas fait depuis des années. Depuis 12 ans, la rémunération des femmes représente encore quelque 80 p. 100 de celle des hommes, ce qui a donné lieu au lancement d'une nouvelle campagne sur l'égalité salariale en Grande-Bretagne.
La conférencière d'honneur, Sylvia Bashevkin, professeure de sciences politiques à l'Université de Toronto, a été présentée par Mary Clancy, notre consul général du Canada à Boston. Cette dernière a souligné que le Canada était le premier pays au monde à avoir déclaré que le viol était un crime de guerre et à considérer la violence conjugale parmi les motifs de revendication du statut de réfugié. Mme Barshevkin a abordé le thème «Le défi de la personne: La citoyenneté des femmes dans une perspective contemporaine». Elle a soutenu que nombre de changements régressifs survenus depuis l'affaire «personne» ont profondément influé sur la position et les droits des femmes moins favorisées. Les dirigeants actuels de la «troisième vague» aux États-Unis, au Canada et en Grande-Bretagne ne sont pas encore intervenus pour réparer les dégâts. Bon nombre des interventions et une grande partie de la discussion qui ont suivi ont porté sur la Charte canadienne des droits et libertés et sur le fait que les femmes britanniques voudraient bien que leur pays se dote d'une charte semblable.
Susan Tanner, conseillère principale en égalité des sexes au ministère fédéral de la Justice, a signalé que la Charte canadienne est basée sur les droits collectifs de groupes et non d'individus et que ce fait seulement a beaucoup modifié le droit canadien et la jurisprudence canadienne. Elle reconnaît cependant qu'il s'agit encore d'une culture et d'un milieu très masculins, même au sein du ministère de la Justice et certes au sein du ministère des Finances, au Canada.
Par opposition, Lucy Makinson, conseillère en politique au Trésor de Sa Majesté, a prétendu que de grands progrès avaient récemment été réalisés pour ce qui est de répondre aux préoccupations des femmes au sein de ce ministère. Cependant, le Trésor n'a toujours pas vraiment intégré à son fonctionnement les questions féminines, alors que 45 p. 100 des femmes britanniques travaillent encore à temps partiel et que le salaire moyen des femmes est de 80 p. 100 inférieur à celui des hommes pour un travail d'égale valeur.
Dans le débat qui a suivi, Rosemary Brown, de la Colombie-Britannique, qui est maintenant présidente du Centre international MATCH, a mentionné que la Charte est une lame à deux tranchants et qu'il y a des cas où des hommes l'utilisent, avec leurs ressources et contacts supérieurs, au détriment de femmes.
La séance du vendredi matin a commencé par une discussion sur les moyens de briser le moule des médias, de promouvoir les réussites des femmes et les questions qui les touchent, qui était présidée par Mary-Ann Stephenson, directrice de la Fawcett Society. Elle a tenu à signaler qu'en fait, il y avait peut-être des analystes politiques féminines à la télévision britannique à l'heure actuelle, mais que les éditorialistes politiques sont encore surtout masculins.
Trima McQueen, la vice-présidente exécutive de CTV, a déclaré que les médias ne comprenaient tout simplement pas. Elle a cité certaines nouvelles récentes au Canada. Tout d'abord, la nouvelle Gouverneure générale du Canada, Adrienne Clarkson, a été immédiatement attaquée dans les médias au sujet de ses prétendues lacunes en tant que mère, surtout par des éditorialistes féminines. De plus, la Cour suprême a décidé que les autochtones pouvaient pêcher pour se nourrir en tout temps. Lorsque le réseau anglais de la Société Radio-Canada a utilisé le terme neutre «fishers», cela a soulevé un tollé chez un groupe de femmes se livrant à la pêche. Lorsque la Cour suprême a décidé que le gouvernement fédéral devait à ses employées féminines une rétroactivité pour un travail d'égale valeur, le National Post a prétendu que la Cour suprême était entre les mains de féministes radicales.
Yvonne Roberts, une journaliste pigiste, décrit:
Les médias britanniques sont une officine du pouvoir, les hommes ayant le pouvoir et les femmes étant reléguées dans les officines!
Les femmes qui réussissent et qui quittent ensuite pour élever leurs enfants ou se diriger vers une autre carrière sont généralement attaquées, car elles ne sont pas prêtes à «faire face à la musique». La situation des femmes en Grande-Bretagne pour ce qui est de la couverture dans les médias et leur participation à ce milieu est tout à fait terrible.
Pendant la séance intitulée: «Les femmes et le droit: Promotion des droits de la femme devant les tribunaux», Carissima Mathen, directrice du contentieux de LEAF, a parlé de «Faire entendre nos voix,» l'expérience canadienne en matière de droits à l'égalité qui dure maintenant depuis 20 ans en vertu de la Charte. Elle a souligné qu'étant donné que les juges ne sont pas élus au sein du régime de droit britannique, ils peuvent se permettre d'être impopulaires sur le plan politique et de rendre des jugements politiquement impopulaires, mais légalement corrects.
Anuja Dhir, avocate de Londres, a parlé des affaires récentes les plus troublantes à être survenues en Grande-Bretagne. Premièrement, le viol conjugal a été légal en Grande-Bretagne pendant 400 ans suite à un fameux verdict rendu en 1678. En 1991, le verdict rendu par une cour d'appel a infirmé le fait qu'un mari avait plaidé coupable pour viol marital devant un tribunal d'instance inférieur. La femme a ensuite interjeté appel auprès de la Chambre des lords, un peu comme ont fait ici les cinq femmes célèbres. Un groupe de «lords juristes» ne comprenant que des hommes a entendu l'appel et décrété que «l'idée selon laquelle une femme devait être la propriété de son mari ne s'appliquait plus et était blessante pour les femmes». Cela se passait en 1991. Elle a parlé des mariages forcés avec beaucoup d'émotion parce que c'est une coutume répandue au sein de sa propre culture sud-asiatique. La Cour suprême était intervenue et avait qualifié ce comportement de kidnapping et d'acte criminel.
Le troisième exemple que Mme Dhir a utilisé est celui des femmes battues qui ont tué leur conjoint violent. Bien que ce syndrome constitue désormais au Canada un élément de défense valide, l'invocation de la légitime défense ou de la provocation comme moyen de défense exige encore au Royaume-Uni qu'il y ait réaction immédiate pour que cela soit valide. Le syndrome de la femme battue n'y est pas reconnu. Elle a fermement fait valoir que «l'égalité ne signifie pas un traitement égal mais veut bien dire un résultat semblable». Le résultat est le seul élément de mesure valable de la véritable égalité.
Pendant la partie suivante, la première oratrice a été la très honorable baronne Jay de Paddington, Lord Garde du Sceau Privé, leader de la Chambre des lords et ministre de la Condition de la femme. Elle a dressé la liste des mesures législatives que le gouvernement Blair a adoptées récemment, y compris ce mois-ci un crédit d'impôt pour enfants qui profitera aux femmes. Un régime national de salaire minimum a été adopté. Vous vous rendez compte? C'est la première fois qu'il y a en Grande-Bretagne un salaire minimum et cette mesure s'est traduite pour 1,3 million de femmes par une hausse de traitement.
L'honorable Hedy Frey, secrétaire d'État à la situation de la femme, a ensuite pris la parole et a fait honneur au Canada. Elle a repris de nouveau les statistiques canadiennes et souligné à quel point elles se sont améliorées au cours des dernières années. Elle a parlé avec éloquence de notre Loi sur l'équité en matière d'emploi et de «l'analyse fondée sur l'égalité homme-femme» qu'exige désormais la loi canadienne. Elle a mentionné que l'idée d'une politique «universelle» d'égalité des sexes a maintenant été abandonnée. Nous mesurons désormais l'égalité en fonction des résultats au Canada et non en fonction d'un strict processus d'égalité.
Non seulement la conférence a été très instructive, mais elle a représenté pour le Canada un bon coup en matière de relations publiques. En effet, la presse britannique nous a consacré dans un seul article plus d'espace qu'elle ne nous en avait consacré durant toute une année. Cet article était l'oeuvre d'Yvonne Roberts et s'intitulait: «Northern rights». La semaine suivant la conférence, elle a récidivé avec un article tout aussi long, intitulé: «Under a blaze of Northern rights», qui faisait l'éloge du bilan réalisé par le Canada. Bref, cela a été une conférence vraiment remarquable, et je suis fière d'y avoir assisté.
Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut intervenir, le débat sur cette interpellation sera considéré comme terminé.
[Français]
(1650)
Le fédéralisme et la mondialisation
Interpellation
L'honorable Gérald-A. Beaudoin, ayant donné avis le mardi 2 novembre 1999:Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les grands principes du fédéralisme moderne: le fédéralisme et la mondialisation, à la lumière des débats qui ont eu lieu à l'occasion du Forum des fédérations.
- Honorables sénateurs, j'ai eu le privilège, en octobre dernier, de participer au Forum des fédérations qui s'est tenu au Mont-Tremblant et qui a réuni plus de 550 représentants et experts.
[Traduction]
Plus de 20 États fédéraux ou quasi-États fédéraux, dont l'Afrique du Sud, l'Argentine, l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Canada, l'Écosse, l'Espagne, les États-Unis, l'Inde, l'Italie, la Malaisie, le Mexique, le Nigeria, le Pakistan, la Russie, Saint-Kitts-et-Nevis, le Sri Lanka et la Suisse, avaient délégué des représentants.
[Français]
Cette conférence touchait quatre grands thèmes: le fédéralisme, la citoyenneté et la diversité sociale; le fédéralisme économique et social; les relations intergouvernementales dans les fédérations; les politiques sociales et le fédéralisme.
[Traduction]
Plus de 30 groupes de travail ont été constitués pour traiter d'un grand nombre de sujets, dont le partage des pouvoirs, la mondialisation, les relations intergouvernementales et la citoyenneté. Des juristes, des politicologues, des économistes, des parlementaires, des ministres fédéraux comme M. Stéphane Dion et des ministre provinciaux comme M. Joseph Facal, des sénateurs, d'anciens premiers ministres et chefs d'État ont participé très activement aux séances plénières et aux ateliers.
[Français]
Le président Clinton, le premier ministre Chrétien, le président Zedillo du Mexique ont pris la parole; le premier ministre Bouchard a fait une présentation.
Les deux coprésidents, Bob Rae et Henning Voshereau, ont fait un travail remarquable et ont présidé plus d'une plénière dont l'une sur les nouvelles voies du fédéralisme.
Le Forum des fédérations aura une existence permanente. Le prochain colloque aura lieu en Suisse dans deux ans. Le gouvernement canadien a versé une somme de 10 500 000 dollars pour la tenue du Forum des fédérations.
À mon avis, ce forum avait sa raison d'être. J'ai eu la bonne fortune de présider une table ronde sur le fédéralisme et la mondialisation et c'est sur ce sujet que j'aimerais aujourd'hui dire quelques mots.
À l'ère moderne, le Canada est l'une des plus vieilles fédérations; il est la troisième, après les États-Unis, en 1789, et la Suisse, en 1848. Notre Constitution a beaucoup évolué. L'histoire nous enseigne que nous avons des phases de centralisation et de décentralisation. Nous sommes actuellement dans une phase de décentralisation. Peu de pays ont consacré autant de temps et d'énergie que le nôtre à l'avènement d'un fédéralisme équilibré. On constate, dans le monde, un intérêt croissant pour le fédéralisme. Comme le fait remarquer le professeur Ronald Watts, qui fut un acteur influent au Forum des fédérations:
Il y a vingt-cinq ans, il n'y avait au monde qu'un seul journal et deux centres de recherches sur le fédéralisme. Il existe aujourd'hui plusieurs journaux, et l'Association internationale des centres d'études du fédéralisme, qui se réunit chaque année, compte 23 centres et instituts dans 15 pays répartis sur les cinq continents.
Il est bon de se pencher sur certaines caractéristiques de notre Constitution et de s'interroger sur les conséquences que la mondialisation pourrait avoir.
En matière de traités, le Canada a adopté le système dualiste. Dans plusieurs pays, la signature d'un traité change la loi du pays. Il faut en plus, au Canada, légiférer pour mettre en 9uvre le traité qui a été signé. Selon la jurisprudence, c'est l'autorité fédérale qui signe les traités. Pour mettre en 9uvre un traité, il faut suivre le partage des compétences législatives entre le fédéral et les provinces. Ainsi en a décidé la jurisprudence en 1937, et cette jurisprudence n'a pas varié depuis. Ce partage de compétences reflète bien les besoins du Canada, à mon avis, d'autant plus que nous avons deux systèmes de droit privé: le droit civil pour le Québec et la «common law» pour les autres provinces.
Au Canada, c'est l'autorité fédérale qui peut légiférer extraterritorialement, qui émet les passeports et qui gère la politique étrangère.
Dans la Francophonie, deux provinces canadiennes ont un statut de «gouvernement participant» sur le plan des rencontres internationales. C'est le cas du Québec et du Nouveau-Brunswick. Ces provinces ont le droit de parole, mais ne votent pas séparément; elles font partie de la délégation canadienne.
Au sein de l'Agence de coopération culturelle et technique, le Québec et le Nouveau-Brunswick ont le même statut de gouvernement participant.
Le gouvernement fédéral a accepté dans certains cas que des ministres provinciaux fassent partie des délégations canadiennes à l'étranger et puissent les présider à l'occasion ou agir à titre de vice-présidents.
Le 17 novembre 1965, le Canada et la France ont signé un Accord culturel franco-canadien qui habilitait les provinces à conclure des ententes directement avec la France dans le domaine de la culture.
Une province peut, à l'intérieur de cet accord-cadre, conclure des ententes directement avec la France. Si l'entente dépasse le cadre de l'accord, alors le fédéral doit la ratifier pour lui conférer une validité. Bon nombre d'ententes France-Québec ont été conclues de cette façon.
Les arrangements administratifs sont venus ajouter un élément supplémentaire de souplesse au sein de notre système fédéral. Ils ne modifient pas la Constitution, mais facilitent son application. Ils sont nécessaires dans le fédéralisme moderne.
Il y a eu au Canada un accord administratif en décembre 1975 entre l'autorité fédérale et les provinces dans le domaine des droits de la personne. Cet accord fixe les mécanismes de collaboration et de concertation des deux ordres de gouvernement dans les phases d'application au Canada des droits de la personne.
En ce qui concerne la Francophonie, des sommets se sont tenus à Québec en 1988, et à Moncton en 1999. Les provinces jouissent ainsi d'une plus grande visibilité.
Le fédéralisme moderne, dans la perspective de la mondialisation, devient de plus en plus d'actualité. Ainsi, la ratification de l'Accord de libre échange nord-américain a accéléré le processus de mondialisation en Amérique. Les échanges et le commerce ne connaissent presque plus de frontières. Il en est ainsi dans les autres parties du monde, en Europe, par exemple.
On retrouve dans certaines grandes associations de type économique certains grands traits confédératifs, voire même, quoique plus rarement, quelques traits fédératifs.
L'impact de la mondialisation se fait sentir à tous les niveaux: commercial, culturel et politique. De même, l'érosion de la souveraineté des États au profit de grands ensembles - l'ALENA, l'Union européenne - est de plus en plus visible.
L'État fédéral peut favoriser la participation de ses composantes au processus de mondialisation tout en assurant la cohésion de sa politique étrangère. Au Canada, on pense spontanément aux Sommets de la Francophonie. Il pourrait exister d'autres domaines.
Comme l'affirmait le professeur Richard Simeon au Forum des fédérations au Mont-Tremblant:
Quel que soit le bon point de vue, il est clair qu'avec la mondialisation, le fédéralisme ne cesse pas d'exister à la frontière: les forces mondiales ont des effets puissants sur les relations au niveau national, et le caractère fédéral du pays est inévitablement projeté sur la scène internationale.
[Traduction]
En conclusion, je citerai quelques extraits de la présentation du professeur Earl H. Fry au Forum des fédérations, qui s'est tenu au Mont-Tremblant en octobre 1999:
Il est évident qu'il faudra accroître les consultations et la collaboration entre les gouvernements si les régimes fédéraux veulent profiter des nombreuses possibilités qui leur sont offertes et réduire au minimum l'incidence néfaste de la mondialisation.
À l'aube du nouveau siècle, il y a très fortes chances que la tendance à la mondialisation s'accentue encore et que l'interconnexion entre les économies locales, nationales et internationale se renforce.
Le modèle canadien est peut-être un bon point de départ pour les fédérations désireuses de mettre sur pied ou de peaufiner les institutions et procédures intergouvernementales nécessaires pour s'adapter à la mondialisation au XXIe siècle.
[Français]
Son Honneur le Président pro tempore: Si aucun autre honorable sénateur ne désire prendre la parole, le débat sur cette interpellation sera terminé.
La situation des autochtones et leur avenir
Interpellation-Ajournement du débat
L'honorable Aurélien Gill, ayant donné avis le jeudi 4 novembre 1999:Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la situation des autochtones afin de nous permettre de faire le point et de réfléchir sur les mesures appropriées pour le futur.
- Honorables sénateurs, il serait bien inutile de vous faire part de ma fierté et de mes émotions à me retrouver au sein d'une grande institution, le Sénat canadien. Je ne vous surprendrais pas non plus si je vous faisais part de mon enthousiasme et de ma foi. Depuis un an, j'observe, j'entends et j'apprends. Il est temps désormais de prendre la parole.
Mon identité et ma vie témoignent de mes principes et de mes convictions. Je suis le fils d'un père abénaki et d'une mère canadienne-française, né et élevé parmi les Montagnais de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean, dans la province de Québec.
Quand je regarde en arrière, je constate combien fut difficile, ma vie durant, la lutte pour la simple reconnaissance de ce que je suis. J'ai participé à cette lutte, à ce combat, à ce réveil et, sur ce long chemin, j'ai souvent mis mes principes à l'épreuve.
Je considère comme un devoir de me servir de ma position au Sénat pour encore mieux exprimer ce à quoi je crois et ce pourquoi j'ai vécu la vie qui fut la mienne. La parole porte un message, il faut le dire et le redire, avec toujours plus de gravité et de sagesse. La parole est souvent tout ce qu'il nous reste.
Vous voyez que je prends mon rôle au sérieux et je le prendrai ainsi tant et aussi longtemps qu'il me sera donné de pouvoir m'exprimer publiquement. Le Sénat est justement le lieu pour inscrire ces paroles graves que nous portons en nous, des paroles qui nous concernent tous et qui ont un intérêt national. Le premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, démontrait son ouverture d'esprit en me nommant au Sénat.
La question des Premières nations est d'une grande importance pour le Canada. Il en va de son avenir. Nous la voyons trop souvent comme un irritant, un rappel des petits cauchemars récurrents dont nous nous occupons le temps de les oublier. Or, le coeur de la question n'est que rarement abordé.
C'est dans l'air du temps que de parler du nouveau millénaire qui s'ouvre devant nous. Le XXe siècle n'aura pas été favorable aux autochtones de ce pays. Le XIXe siècle avait été catastrophique et misérable. Cela fait donc 200 ans que nos nations sont les souffre-douleur de l'histoire.
Nous avons été dépouillés de nos identités. Nos terres furent spoliées. Les traités n'ont pas été respectés, on nous a mis en tutelle. Nous fûmes oubliés dans l'univers parallèle de la dépendance, du paternalisme, objets d'une loi inique, prisonniers des réserves indiennes, soumis à toutes les pressions de l'assimilation. Pouvons-nous espérer que le prochain siècle soit finalement celui de la réparation, du redressement et de la renaissance?
Ayant longtemps été sur le front de ces luttes, mon avis doit bien avoir quelque poids. En tant qu'ancien chef des nations montagnaises et des Attikameks, au titre d'ancien chef de ma communauté de Mashteuiatsh, à Pointe-Bleue, je suis de ceux qui prétendent que nous manquons désormais de temps. Il y a urgence en la demeure. J'insiste: nous avons tous épuisé notre réserve de temps. Si quelque changement fondamental n'est pas appliqué bientôt dans notre paysage politique, j'ai la conviction que les choses tourneront mal.
Pour l'instant, nous vivons des crises à la pièce, dans l'espoir que chacune se résorbe. Depuis 20 ans, il en est ainsi: Kanesatake, Ipperwash, Gustafsen Lake et Burnt Church. Il est heureux qu'aucune n'ait vraiment dérapé. Chacune aurait pu nous plonger dans des drames beaucoup plus douloureux que ce que nous avons connu jusqu'à ce jour. Je ne peux rester silencieux sur des sujets d'une si grande importance car ici, le silence est aggravant. Bien sûr, depuis 40 ans, nous avons tous fait du chemin.
Nous avons même atteint un point que l'on ne pouvait imaginer quand j'étais jeune homme.
Plus personne ne dispute le fait que nous sommes les premiers habitants de ce pays. Nous vivons sur cette terre, aujourd'hui appelée Canada, depuis des millénaires. Notre ancienneté est reconnue. Notre droit d'exister aussi. La Constitution canadienne témoigne de notre droit. Cependant, si notre droit est affirmé dans le document fondateur de la nation, le contenu de ce droit reste un mystère aux yeux de plusieurs.
Jadis, dans un passé qui n'est pas si lointain, nos ancêtres ont reçu les nouveaux arrivants et ils les ont aidés.
(1710)
La première partie de l'histoire de nos relations en est une de partenariat. Ce n'est que plus tard que l'humeur de l'invité a changé. Depuis 1800, nous avons eu à subir les exactions de notre partenaire devenu désormais maître des lieux, et nous avons été déclarés étrangers dans notre propre monde.
Oui, il faudrait réécrire l'histoire. Il faudrait écrire une histoire qui soit moins insultante pour nous, les citoyens des Premières nations. Nous avons une grande part à cette histoire, mais cette part nous est aussi niée, comme fut nié notre attachement à nos terres, comme furent niées nos contributions à la survie, à la vie et à la philosophie.
Cette histoire, il nous faudrait la partager, il faudrait tous la partager sans exclusion aucune. Il serait urgent de l'enseigner, de la diffuser, en un mot d'apprendre à la raconter.
Sachons que le concept des deux nations fondatrices ou peuples fondateurs nous a fait très mal, à nous des Premières nations. Le Canada a bel et bien un vice de fondation quand il s'agit de construire sa représentation nationale. Comment ériger quoi que ce soit sur un pareil oubli, sur un semblable malentendu?
Nous avons été et nous sommes toujours. Nous avons été utiles dans les guerres, dans le commerce, dans l'établissement de la richesse, dans les alliances, dans les amitiés, dans la construction de ce pays.
Nous avons été et nous sommes toujours, nous les Montagnais Innus, nous les Cris, les Wendat, les Ojibwé-Anishinabes, les Blackfoot-Siksika, les Assiniboines, les Lillooet, les Tsequoitin, les Haidas ou les Bwich'in.
Nous devons constater que malgré tous les efforts, malgré les années qui s'écoulent, la grande majorité des Canadiens ignorent l'essentiel et l'important en ce qui concerne les Premières nations.
La dernière commission royale sur le sujet, la Commission Erasmus-Dussault, le soulignait une fois encore, et elle en faisait un constat dramatique: oui, les Canadiens ignorent encore l'essentiel et cette ignorance a des conséquences politiques.
Je dirais qu'elle influe sur la volonté politique car, nous le savons tous, l'ignorance engendre les préjugés et les préjugés exaspèrent. Il est proprement scandaleux d'entendre et de réentendre le bruit de fond de ces préjugés qui finissent par ébranler nos convictions politiques: les Indiens ne paient pas de taxes, ils sont exempts d'impôts, on leur donne des maisons et de l'argent, ils vivent sur le bras des citoyens, ils sont revendicateurs, plaignards, fainéants, ils s'inventent des droits et des traités, ils terrorisent les gouvernements qui leur donnent tout par faiblesse. Voilà le bruit que l'on entend.
L'existence et la persistance de ce discours en l'an 2000 représentent pour tous les Canadiens un échec douloureux. Les Premières nations ne furent pour absolument rien dans la rédaction, la promulgation et l'application de la Loi sur les Indiens. Mais qui connaît au Canada l'existence même de cette loi? Qui en connaît la nature? Qui peut en mesurer la tragique portée, la conséquence historique?
Le statut d'Indien canadien en est un de sous-citoyenneté. La loi applique le concept de tutelle. Cette longue tutelle nous a infantilisés et l'histoire fait la preuve que nous avons tout perdu, y compris notre dignité. La Loi sur les Indiens, bien que refondue et modifiée, existe toujours en son esprit général. Elle a créé, sur une période de 125 ans, une situation odieuse, un monde parallèle, le monde complexe des réserves indiennes, la dépendance bureaucratique, l'univers clos des Affaires indiennes.
Les Canadiens en général, les Canadiens bien éduqués en particulier, ne connaissent pas les traités. Ils savent encore moins qu'aucun traité n'a été respecté par l'État canadien et les autres gouvernements.
Que l'on invoque les malentendus, que l'on fasse appel à toutes les contingences que l'on voudra, cela ne changera rien aux résultats. Nous avons été floués dans toutes les dimensions de notre identité, dans tous les recoins de nos droits les plus fondamentaux. Mais cela reste un secret bien gardé. Il suffit de lire et d'entendre nos analystes et nos intellectuels les plus distingués pour réaliser, jour après jour, combien l'ignorance fait des dommages. On reconnaît plus facilement la situation du Timor oriental que celle qui pourrit au sein de notre propre pays.
Le Canada n'a toujours pas fait son examen de conscience en ce qui a trait aux Premières nations. Sans examen de conscience, pas de prise de conscience. Pas de changement, pas de rupture avec le passé et le présent.
Il y a eu injustice à l'égard de ceux qui furent dits des Sauvages, puis des Indiens, puis des Amérindiens, puis des autochtones, puis on ne sait plus quoi inventer. Cette grande injustice perdure au sein d'une société canadienne qui prétend ne pas la tolérer. Rien n'est possible ni ne sera possible sans que cette brèche profonde ne soit réparée, sans que justice soit faite.
Je répète que, ma vie durant, nous avons fait du chemin. Malheureusement, la reconnaissance de nos droits semble jouer en notre défaveur. Le contenu de ces droits demeure un mystère, semble-t-il. Cette reconnaissance en exaspère plus d'un. En tant que peuples, nous sommes perçus comme des menaces. Notre destin est devenu juridique. Nous sommes coincés entre le corridor étroit, pour ne pas dire abstrait, du droit, et la réalité dure, pour ne pas dire tordue, des préjugés sur le terrain de la vraie vie. C'est l'histoire des Premières nations, l'un nous promet ce que l'autre nous refuse.
Un jour ou l'autre, il faudra en sortir. Les Premières nations aspirent à l'autonomie, à la responsabilité et à la dignité. Pour en sortir, justement, il faut briser le cercle vicieux de la tutelle et l'enfer de la dépendance. Les Affaires indiennes coûtent très cher aux Canadiens et les résultats seront négatifs.
Il est nécessaire et urgent de redonner aux Premières nations une place dans le paysage canadien, une place politique, économique et géographique. Nous défendons nos droits, nous défendons notre identité, nous nous battons pour notre avenir au sein de la nation canadienne.
Je suis sénateur et je suis autochtone. Je ne veux pas avoir honte de mon pays. J'ai travaillé toute ma vie à la restauration de nos droits, car nous avons le droit d'être et d'être fiers en tant que Dénés, en tant qu'Inuits, en tant que Sarsis ou Métis. Un immense fossé reste à combler, mais il faut le franchir.
Dans les années qui viennent, à partir de cette institution qu'est le Sénat, j'entends apporter mon humble contribution à la valeur de la parole et de la sagesse. Je parie sur la sagesse. Dans cet esprit, j'aurai recours à tous les avis et conseils qu'il me sera possible d'obtenir dans les ordres des contenus et de communications, car il est essentiel que le message passe.
(1720)
Nous devons tous travailler à l'ouverture de l'esprit. Dans mes interventions prochaines, je me propose de revenir devant vous avec davantage d'informations. Je me propose de participer pleinement aux discussions du comité permanent des peuples autochtones. Je suis déterminé, à partir de mon poste au Sénat et dans la mesure de mes moyens, à tout mettre en oeuvre pour alimenter le débat dans un sens positif.
Nous nous devons tous d'élever le niveau de ce débat et l'action la plus urgente consiste à informer le public canadien des enjeux véritables. Il faut combattre tous ensemble les effets dévastateurs de la désinformation, des analyses rapides, des accusations stériles. Si nous ne réussissons pas à faire ce débat au Sénat, qui donc y réussira?
Malgré toute l'ignorance ambiante qui génère tant de faussetés, malgré le fait que plusieurs jugent de la situation à partir d'une parcelle d'informations, il reste que la situation des autochtones est dramatique.
Allez dire aux Algonquins de l'Abitibi, aux Ojibwé de l'ouest de l'Ontario, aux Cris de l'ouest de la Baie de James, aux Tuchones du Yukon que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Allez visiter les réserves indiennes de l'an 2000, vous verrez qu'il n'y a pas lieu d'être cynique ou sarcastique. Ceci n'est pas un jeu de mot, ce ne sont pas des vues de l'esprit. Au même titre que la pauvreté, la question des Premières nations constitue ce que j'appellerais une urgence nationale.
Il y a trop d'images de Warriors, de passe-droits, de crises et d'affrontements dans la tête des Canadiens. Il n'y a pas assez de connaissances sur les réalités de nos langues qui se meurent, de nos gens qui meurent, sur le désespoir de nos jeunes, sur la marginalité, sur la toxicomanie et sur le travail humble et acharné des milliers d'anonymes, autochtones ou non-autochtones, qui oeuvrent jour après jour sur le terrain de la vraie vie afin d'éviter le pire.
Nous devons être restaurés dans nos responsabilités. Il est nécessaire d'inventer à l'échelle nationale une structure qui, pour l'instant, n'existe pas. Il faut aller plus loin que les affirmations de droit. Nous devons passer aux actes. Les autochtones doivent disposer de leur présent, de leur avenir. Déjà que le défi est colossal, ne serait-il pas finalement sensé que de nous laisser la chance de le relever?
En conclusion, je vous dirai que l'affaire va plus loin. Si le Canada ne trouve pas le moyen de résoudre cette affaire, le Canada ne résoudra rien en tant que nation. Il en va de l'identité collective et cette question s'adresse à tous les Canadiens. Nous parlons de la réparation d'une très grande injustice historique mais nous parlons aussi du droit collectif d'exister sainement en tant qu'identités distinctives au sein d'une nation moderne. Il faut certes réparer d'urgence, mais il faudra aussi nous développer, grandir et contribuer à la richesse économique et culturelle de ce pays.
L'«indianité» ne se résume pas aux mocassins, à la danse et aux traditions. Le Canada de demain sera aussi celui des Premières nations, car nous avons survécu à une bien triste histoire. Nous prenons notre place, nous la reprenons, nous devons réussir à restaurer les anciens partenariats. Il n'y a pas à réinventer la roue. Combien de cerveaux, d'intelligences, de commissions, de consultations, de comités spéciaux, de recherches cela prendra-t-il? Durant les 50 dernières années, je crois bien que tout a été dit. Reste à créer, à démarrer concrètement le processus historique qui nous fera exister collectivement et dignement.
En tant que sénateur, je me propose de poursuivre avec acharnement dans cette voie. Car nous sommes à l'heure de la vérité. Les Premières nations doivent se gouverner. Le processus est irréversible. Pour grandir de façon autonome, il faut du territoire et des ressources, il nous faut une place à nous dans ce pays. Il nous faut avertir, ouvrir les esprit, contribuer à la mise en place de ce qui n'existe pas encore, promouvoir la créativité, l'innovation politique, le retour de la responsabilité, de l'autonomie et de la dignité.
Je tiens à ce que le Canada s'illustre, je ne tiens pas à ce qu'il se dégrade. Les Premières nations doivent s'occuper d'elles-mêmes avec un trésor qui n'est pas volé, avec des droits affirmés, avec des ressources, avec une voix dans les affaires nationales. Nous avons une côte énorme à remonter. Il est impossible qu'on nous refuse le droit réel de faire nous-mêmes ce que personne ne peut faire à notre place.
(Sur la motion du sénateur Watt, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Affaires sociales, sciences et technologie
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme nous siégeons aujourd'hui un peu plus longtemps que nous ne le faisons habituellement le mercredi, si le Sénat y consent et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger pendant que le Sénat siège aujourd'hui et que l'application du paragraphe 95(4) soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: Est-on d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Transports et communications
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 95(4) du Règlement, je propose:Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à siéger pendant la séance du Sénat d'aujourd'hui, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Le Bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants
Adoption de la motion d'établissement
L'honorable Mira Spivak, conformément à l'avis du 2 novembre 1999, propose:Que le Sénat exhorte le gouvernement à instituer un bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants, soit un organisme autonome chargé de promouvoir la protection des enfants contre les risques environnementaux.
- Honorables sénateurs, il existe de nombreuses bonnes raisons pour appuyer cette motion. Les sénateurs qui ont siégé au comité sur le projet de loi C-32 et qui ont entendu les représentants de l'Institut canadien de la santé infantile concernant l'établissement de ce bureau connaissent une grande partie de mon raisonnement. La première de ces raisons, et qui est certainement suffisante, est que nous avons terriblement besoin de ce bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants.
Les enfants sont davantage affectés par les polluants environnementaux. Au comité, on nous a expliqué pourquoi, en termes scientifiques, et il vaut la peine de le répéter car c'est la clé de tout le reste. Durant les six premiers mois de sa vie, un bébé ingère sept fois plus d'eau par kilogramme de poids qu'un adulte. Un enfant de un à cinq ans mange trois à quatre fois plus d'aliments, par kilogramme de poids, qu'un adulte. Un bébé endormi inspire un volume d'air deux fois plus important que ne le fait un adulte au repos. Tout cela signifie que l'eau, l'air ou les aliments pollués ont un impact beaucoup plus marqué sur un enfant que sur vous.
(1730)
Cet impact laisse parfois des séquelles pour toute la vie; il est parfois irréversible. Lorsque le bébé se trouve encore dans le corps de sa mère, ou lorsqu'il est nourri au sein et que le corps de sa mère est pollué, une faible quantité de toxines transmises au mauvais moment peut entraîner la cécité, la surdité, une crise cérébrale ou une déficience intellectuelle. Au cours des dernières décennies, les scientifiques ont pu le constater dans le cadre des études menées auprès d'enfants exposés au plomb ou dont les mères avaient consommé du poisson pollué aux BPC provenant des Grands Lacs ou encore auprès d'enfants nés dans des collectivités victimes d'empoisonnements au méthylmercure.
Ce mois-ci, le Centre for Health and Environment and Justice des États-Unis a publié une somme importante de nouvelles données sur les effets d'un polluant hautement toxique, la dioxine. La constatation la plus frappante de ce rapport, c'est que la dioxine fréquemment contenue dans les aliments suffit pour entraver la croissance et le développement des enfants. Le boeuf haché renferme normalement 1,5 parties de dioxine par billion, le fromage persillé 0,7 parties et un pilon de poulet ou un morceau d'aiglefin 0,03 parties par billion. Selon le rapport, l'alimentation quotidienne d'un adulte renferme en moyenne 2,2 parties de dioxine par billion. Toutefois, puisque ce polluant est stocké dans nos corps, sa concentration moyenne dans nos tissus adipeux est dix fois plus élevée.
Les nourrissons absorbent chaque jour une quantité de dioxine beaucoup plus élevée que les adultes. La raison, c'est que la dioxine s'accumule dans le lait maternel. Selon certaines études, les bébés nourris au sein au Canada absorbent 26 parties par billion de dioxine, soit environ 30 p. 100 de plus que les bébés aux États-Unis, plus du double de ce qu'absorbent les bébés en Russie et plus de huit fois ce qu'absorbent les bébés en Thaïlande. Je n'en connais pas la raison.
Quels sont exactement les effets de la dioxine sur les enfants? On a établi un lien entre l'exposition à la dioxine avant la naissance et un plus faible quotient intellectuel, un comportement renfermé ou dépressif, l'hyperactivité, et un système immunitaire plus faible. Il existe aussi des preuves indiquant que la dioxine peut avoir des effets sur le développement des dents permanentes, les hormones thyroïdiennes et les maladies respiratoires chez les enfants. La dioxine a un effet tellement puissant qu'on a aussi observé qu'elle avait un effet sur la proportion des sexes. Dans les régions fortement exposées, le nombre de filles mises au monde est plus élevé que le nombre de garçons. La même tendance a été observée au Canada ces dernières décennies, quoique personne n'ait établi de lien direct entre ce phénomène et la dioxine.
Le rapport contient des tas de recommandations pour prévenir les maux futurs. Il suggère, par exemple, à la place de brûler les ordures, la principale source de dioxine, de faire du recyclage intensif, de réduire les déchets et de mettre en place de meilleures mesures de protection de l'environnement. Une autre suggestion, c'est d'arrêter de brûler les déchets médicaux et dangereux, d'éliminer progressivement les matières plastiques qui sont une autre source importante de dioxine, ou d'interdire les pesticides contaminé à la dioxine. Nous avons le choix.
Des enfants ont payé cher pour que nous acquérions les connaissances pouvant mener à la prévention, mais personne ne peut dire au gouvernement comment appliquer ces connaissances. C'est une fonction dont se chargerait un bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants. Il définirait l'actuel bloc des connaissances et collaborerait avec d'autres ministères et agences du gouvernement pour qu'on tienne compte de ces connaissances sur les enfants dans l'élaboration des règlements. Sans ce bureau, les taux de pollution tolérables continueront vraisemblablement d'être fixés dans le but de protéger les hommes adultes mâles, et non les femmes et les enfants.
Toutefois, ce n'est là qu'une partie de ce qui justifie la mise en place du bureau. Nous avons aussi besoin du bureau pour diriger la recherche sur des questions troublantes auxquelles nous n'avons pas encore trouvé de bonnes réponses. Pourquoi le nombre des enfants asthmatiques a-t-il quadruplé depuis quelques décennies? Pourquoi le cancer chez les enfants a-t-il augmenté de 50 p. 100? À quels points critiques du développement faut-il éviter les produits chimiques simili-hormonaux? Un bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants pourrait promouvoir ce genre de recherche, comme pourraient le faire les centres d'excellence pour le bien-être des enfants. Il y a plus de deux ans et demi, le gouvernement a promis d'affecter 20 millions de dollars sur cinq ans à la recherche sur la santé des enfants qui serait effectuée par les nouveaux centres d'excellence. Une trentaine de mois ont passé, mais rien n'a été fait. J'espère que le gouvernement envisagera la mise sur pied de ces centres et se penchera sur d'autres recommandations incluses dans le discours du Trône.
C'est à peine si nous tenons compte de la santé des enfants quand nous envisageons des dépenses, des règlements ou une politique. Nous ne savons même pas quelles matières polluantes se trouvent habituellement dans nos aires de jeux, nos garderies et nos écoles. Nous n'avons pas de lignes directrices visant à réduire l'exposition des enfants à des matières polluantes là où ils passent le plus clair de leur temps. Il y a d'autres fonctions que pourrait assumer un bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants.
Deuxièmement, nous devrions appuyer cette motion pour faire en sorte que notre pays respecte les engagements qu'il a pris en appuyant la déclaration de 1998 que les dirigeants du G-8 ont faite sur la santé des enfants et l'environnement et en signant la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant. Pour respecter ces engagements, il faut un leadership politique, un leadership comme celui dont nous avons été témoins aux États-Unis. À peu près au même moment où nos dirigeants promettaient à leurs électeurs toutes sortes de mesures pour les enfants, le président Clinton a ordonné à tous les organismes fédéraux de déterminer de façon prioritaire les risques pour la sécurité et la salubrité environnementales susceptibles d'avoir des répercussions disproportionnées sur les enfants et de modifier les politiques, les programmes, les activités et les normes en cause pour corriger ce déséquilibre. Peu après, la U.S. Environmental Protection Agency a créé son bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants afin de se conformer à la demande du président, et l'organisme a annoncé la mise en place d'un programme en 1995 - un programme national visant à protéger la santé des enfants contre les risques environnementaux. On ne sait pas clairement quelle part des changements il faut attribuer au bureau et aux programmes mis en place par l'EPA. Ce que l'on sait toutefois, c'est que la U.S. Food Quality Protection Act exige maintenant la réévaluation des niveaux de tolérance concernant près de 10 000 pesticides, que la nouvelle norme atmosphérique liée à l'ozone devrait se traduire chaque année par un million de cas d'infections pulmonaires de moins chez les enfants et que l'EPA demande à son personnel de prendre en considération les nouveau-nés, les enfants et les femmes enceintes lorsqu'elle établit les normes relatives à l'eau potable.
L'agence finance aussi de nouvelles recherches sur l'exposition des enfants aux pesticides, l'incidence du smog sur leur respiration et leur vulnérabilité à l'égard d'un produit chimique utilisé dans le nettoyage à sec, toutes choses qui m'amènent à la raison ultime d'appuyer cette motion visant à instituer un bureau de salubrité de l'environnement pour les enfants: c'est au bout du compte dans l'intérêt de tous les Canadiens. Si notre législation et notre politique visent seulement à protéger les hommes sains dans la fleur de l'âge, le fardeau de tous les autres Canadiens, notamment des jeunes et des personnes âgées, s'en trouvera alourdi. Si, toutefois, nous nous concentrons sur les plus vulnérables d'entre nous, à savoir les enfants en croissance, nous aurons tous une meilleure chance d'être protégés.
Je sais que le bureau proposé a suscité l'enthousiasme des sénateurs d'en face lorsqu'il en a été question au comité. J'espère sincèrement que l'intérêt de certains d'entre eux ne s'est pas démenti et que ces sénateurs participeront au débat et convaincront leurs collègues d'appuyer cette motion.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)